De toute façon, beaucoup de confits furent résolus par la force des armes.
Or, au XVIe siècle, les armées subissent une mutation importante : les
effectifs s'accroissent, atteignent plusieurs dizaines de milliers d'hommes
en certaines circonstances; les armes à feu ont un rôle beaucoup plus
important, en particulier l'artillerie qui rend toutes leurs chances aux
places-fortes. La constitution de grands États, aux moyens budgétaires
considérables, Espagne, France, empire ottoman, n'est pas étrangère à cette
évolution.
On peut négliger les armées italiennes qui étaient peu nombreuses et tout à
fait incapables de s'opposer aux entreprises de leurs puissants voisins.
Seules méritent une mention les milices vénitiennes, bien organisées.
L'Allemagne, la Suisse, la Sardaigne, la Wallonie furent les grands marchés
de mercenaires. Mais, en Europe, seules trois armées représentaient de
grandes forces : l'Espagne(parfois confondue avec l'impériale), la
française, la turque
1. Hors d'Europe, les armées
marocaine, perse et mongole (celle de l'Inde)) ont certainement atteint une
puissance militaire considérable. On peut considérer en détail les cas des
armées espagnole et française.
a) L'armée espagnole. Dès les Rois catholiques apparut en Espagne une armée
permanente. Théoriquement, le service militaire pouvait être obligatoire,
mais seul un homme sur 15 ou 20 était effectivement appelé au service, ce
qui permettait de n'employer que des volontaires à qui on servait une solde
régulière.
Pendant les guerres d'Italie, l'importance démontrée des armes à feu
conduisit Gonzalve de Cordoue, le « grand capitaine », à mettre au point le
fameux tertio, c'est-à-dire une unité de combat employant trois armes :
infanterie, cavalerie, artillerie. L'arme essentielle, l'infanterie, était
elle-même composée de trois catégories de fantassins
les piquiers (dont 40 avaient à la fois épée courte et javelot), les
mousquetaires, et les arquebusiers (1 sur 5) dont l'efficacité fut beaucoup
plus grande à partir de Pavie, grâce à la mise à feu automatique et à
l'allègement de l'arme. Chaque unité comptait 12 compagnies de 250 à 300
hommes, .soit environ 3 000 fantassins. Elle était appuyée par une cavalerie
qui comportait deux variantes: une cavalerie lourde, les « gendarmés », avec
une armure complète, lance et dague, dont les chevaux étaient caparaçonnés
et les « chevau-légers », sans armure, avec lance courte, épée et dague.
Jusqu'à Pavie la cavalerie lourde fut la plus importante mais son rôle
déclina rapidement ensuite. Le tertio était également appuyé par
l'artillerie qui ne va cesser de se développer au cours du siècle: d'ores et
déjà signalons que la prise de Grenade et la conquête des présides
espagnoles en Afrique du Nord sont dues à l'artillerie. Au lieu de quatre
pièces à Pavie en 1525, il y en aura une quarantaine à Saint-Quentin en
1557. Un chirurgien, un médecin, quelques barbiers et un aumônier
complétaient l'effectif de chaque tertio.
De plus, pendant les guerres d'Italie, le tertio: espagnol parvint à une
grande rapidité et précision de manoeuvre que la division en compagnies
(unités relativement peu nombreuses) rendait plus facile. Gonzalve de
Cordoue exigeait une grande discipline au feu mais laissait beaucoup de
liberté par ailleurs; il donna à son armée une véritable préparation
psychologique, cultivant l'orgueil du corps, exaltant la dignité
individuelle : « Senores soldados », messieurs les soldats, appellation rare
dans une armée ! Ainsi l'armée attira beaucoup d'hidalgos de petite
noblesse, ayant le goût de l'aventure, d'esprit chevaleresque, parfois
cultivés. Au XVIe siècle, les Espagnols formèrent la majorité des
combattants des tercios mais il y eut aussi des Italiens (souvent sujets
espagnols), des Allemands, des Wallons. Presque tous étaient volontaires. Il
faut accorder une certaine importance aux contingents féodaux formés
par.l'Aragon, utilisés dans la garde des frontières pyrénéennes et plus
tard, en 1580, dans la conquête du Portugal.
L'effectif de cette armée ne fut jamais très élevé, sans doute jamais plus
de 40 000 hommes. L'armée levée pour la conquête du Portugal comptait 35 360
fantassins et 2 107 cavaliers
Cette armée où abondaient les
combattants d'élite, bien outillée, fut aussi bien commandée. Gonzalve de
Cordoue pendant les guerres d'Italie, le duc d'Albe, Emmanuel Philibert de
Savoie, Alexandre Farnèse, furent parmi ses meilleurs chefs. Mais elle fut
mal administrée : lorsqu'elles étaient cantonnées quelque part, les troupes
commettaient des excès d'ailleurs dénoncés par les Cortès (1542,1558,1559).
On connaît aussi l'exemple du sac de Rome en 1527 : la ville éternelle
livrée à la soldatesque internationale, à l'armée du Roi catholique ! Il est
vrai que le pillage fut souvent dû au retard du paiement de la solde : en
Flandres, cela provoqua nombre d'incidents entre les troupes espagnoles et
la population locale.
Cette armée, accompagnée de femmes pour le contentement du soldat (on a
avancé le taux de 8 %, n'avait pas d'uniforme mais une élégance souvent
ostentatoire dans les défilés (chapeau à plumes, justaucorps de couleurs
vives). Les soldats qui s'étaient distingués par des hauts faits venaient
immédiatement après les officiers et sous-officiers
c'étaient les « aventajados ». Brantôme a laissé de l'armée espagnole, pour
le dernier tiers du siècle, il est vrai, une description pittoresque : «
Et eussiez dict que c'estoient des princes, tant ilz estoient rogues et
marchoient arrogamment et de belle grâce... Je les vis alors passant par la
Lorraine, et les y allay voir exprès en poste, tant pour leur renom qui en
résonnoit et retentisoit partout... »
L'armée française
. Elle suivit une évolution parallèle
à celle de l'armée espagnole et pour les mêmes raisons, mais plus tardive,
ce qui peut contribuer à expliquer l'avantage pris par les Espagnols dans la
première moitié du siècle. Elle fut formée par des éléments de base,
permanents (ban et arrière-ban; compagnies d'ordonnance et de francs archers
datant de la fin du XVe siècle, et par un élément théoriquement
extraordinaire mais qui tendit à devenir permanent durant le XVIe siècle,
les compagnies de mercenaires à pied ou à cheval.
Le ban et l'arrière-ban étaient une survivance féodale; ils fournissaient
les contingents dûs par les vassaux directs et indirects du roi au titre du
service d'ost. Depuis les états généraux de 1484, le principe d'une
rétribution était reconnu et appliqué. Mais le rôle de cet élément ne cessa
de décliner : il y eut onze levées générales jusqu'en 1570, deux seulement
après. Les gentilshommes ayant le goût de l'armée préfèrent servir dans les
compagnies d'ordonnance tandis que le nombre de vieillards inaptes ou des
remplaçants pressés d'en finir ne cessa de croître dans les rangs des
contingents féodaux.
- Création de Charles VII, noyau essentiel de l'armée jusqu'à la fin des
guerres d'Italie, les compagnies d'ordonnances étaient des unités de jeunes
gentilshommes, tous volontaires, dits « gendarmes » qui servaient à cheval,
accompagnés d'archers et de suivants. Avec armure complète et grande lance,
puis pistolet, ils devaient se présenter en temps de paix aux « montres »
trimestrielles pour faire vérifier l'état de leur équipement niveau
d'entraînement. D'autres compagnies étaient les corps d'élite qui faisaient:
de la Maison du Roi : « Cent-Suisses », compagnie d'archers écossais
compagnie d'archers français.
Les francs-archers (http://histstquentin.free.fr)
, également créés sous Charles VII, étaient des fantassins recrutés parmi la
bourgeoisie et les classes populaires, chaque groupe de 50 feux devant
fournir un homme équipé. Exempts de tailles, constitués en bandes de 500,
ils atteignaient un effectif de 16 000 hommes relevant de 4 capitaines
généraux. Le Languedoc et la Provence formaient des contingents séparés.
Mais la décadence de l'institution amena sa suppression en 1535. Déjà les
compagnies de mercenaires devenaient la base de l'armée.
Les transformations de l'armement et de la tactique, l'obligation
d'augmenter les effectifs pour faire face à la menace impériale, imposèrent
le recours croissant aux mercenaires dont les unités, sans tradition,
permettaient plus facilement l'adoption de nouveaux procédés : ainsi les
groupes spéciaux d'arquebusiers à partir de 1529, les troupes de pistoliers
sous Henri II. De plus, le rôle croissant de l'infanterie ne rendait plus
possible le seul recours aux gentilshommes qui ne concevaient de servir qu'à
cheval; car si à Agnadel (1509) l'armée comptait presque autant de cavaliers
(14 000) que de fantassins, à Strasbourg (1552), le rapport était passé de 4
500 à 32 000 !
Le recrutement se fit d'abord en France (Picards
et Gascons notamment); beaucoup en Suisse, en vertu de véritables traités
(1516, 1521, 1549) à tel point qu'en 1543 il y avait 19 000 soldats suisses
dans le royaume et des compagnies suisses entièrement homogènes, de 3 à 500
hommes; en Allemagne aussi (lansquenets). Pour essayer de conserver à
l'armée un certain caractère national, l'ordonnance du 24 juillet 1534 créa
7 légions de gens à pied de 6 000 hommes chacune, correspondant aux diverses
régions du royaume. Après de bons débuts, l'institution déclina rapidement
malgré une tentative de réforme en 1558 : seules les légions de
Picardie,
Champagne et Languedoc semblent
avoir eu une existence réelle. Elles devaient disparaître pendant les
guerres civiles.
Les compagnies de chevau-légers (2 000 à 3 000 hommes en général, 8 000 en
1558), arquebusiers et pistoliers, furent surtout composées d'Allemands.
L'artillerie fut sans doute l'arme la mieux organisée parce que nouvelle :
dirigée par un grand-maître qui coiffait une hiérarchie précise, elle
disposait d'un corps de 200 à 250 conducteurs de convoi, d'un corps de
pionniers (le génie actuellement), fort de 2 500 hommes à Marignan, de
spécialistes de la défense de places-fortes.
En résumé, l'armée française, vers 1560, n'était encore qu'un assemblage
assez hétéroclite de corps différents. Ainsi, l'armée qui marcha sur
Strasbourg en 1552 comptait 1 220 lances à cheval des compagnies
d'ordonnances, 600 cavaliers des compagnies de la Maison du Roi, 2 700
chevau-légers et arquebusiers à cheval, 18 700 gens à pied français et 13
500 lansquenets allemands.
c) L'évolution générale. Quelle que soit l'armée considérée, l'évolution est
le même: la puissance de feu augmente et, à forces égales, l'armée qui en a
le plus l'emporte pour peu qu'elle ait un minimum d'expérience.
On a déjà vu que les victoires espagnoles sur l'Islam de 1492 à 1509 sont
dues à l'artillerie. dais plusieurs des grands succès militaires du siècle
n'ont pas d'autre origine
la prise de Belgrade par les Turcs en 1521 et leur grande victoire sur les
Hongrois à Mohacs en 15'_'6. leur victoire à Tabriz sur les Perses en 1548;
les victoires de Baber dans l'Inde: les suces d'Ivan le Terrible (prises de
Kazan et Astrakhan en 1551 et 1556); la grande victoire des Espagnols sur
les Français à Saint-Quentin en
1557. En outre l'artillerie perrnet une défense beaucoup plus efficace des
places-fortes : « en 1525, la place de Pavie immobilisa l'armée de François
I°` que les Impériaux surprendront à revers le 24 février. Marseille résiste
de la même façon devant Charles Quint en 1524 et 1536; Vienne devant les
Turcs en 1528; plus tard, Metz en 1552-1553 devant les Impériaux »
Les armes à feu individuelles sont aussi d'une importance croissante : les
arquebuses, font la victoire de Pavie en 1525 et dans la deuxième moitié du
siècle le nombre des arquebusiers égale souvent celui des piquiers.
Bien entendu, armes à feu, artillerie, rendent la guerre plus coûteuse : «
Seuls les États riches sont capables de soutenir les frais fabuleux de la
guerre nouvelle » 1. Mais ces États eux-mêmes ne parviennent pas toujours à
financer longuement l'effort militaire. Après Pavie l'Empereur n'a pas les
moyens financiers d'exploiter son succès et la paix du Cateau-Cambrésis sera
préparée par une banqueroute quasi-générale.
Les flottes
Au début du xvie siècle il existe quatre flottes de guerre de grande
importance: la portugaise, l'espagnole, la vénitienne et la turque. Mais les
Portugais agissent surtout dans l'océan Indien ou dans l'Atlantique, ils
n'ont guère à redouter que les corsaires barbaresques. Les flottes de Gênes
et de la France, sans être négligeables, sont de moindre importance.
L'Angleterre est absente mais les corsaires de diverses nationalités
représentent un élément avec lequel il faut compter. Selon leur aire
d'action ces marines fondent leur puissance sur les galères, navires bas sur
l'eau, à plusieurs rangs de rameurs et à voiles auxiliaires, généralement
triangulaires (avec toutes les variantes : galéasses, galiotes, brigantins)
ou sur les navires de haut bord : galions, caravelles, caraques, qui
combinent les voiles triangulaires et les voiles carrées, sont beaucoup plus
hauts sur l'eau et n'ont pas de rames. Les navires du premier type dominent
en Méditerranée, ceux du second dans l'Atlantique. Dès la fin du XVe siècle,
l'artillerie s'est installée à bord des navires de guerre, les vénitiens et
les turcs notamment. Et au cours du XVIe siècle, beaucoup de navires
destinés au commerce s'équipent pareillement de canons.
a) La flotte vénitienne est la mieux connue. En temps de paix, Venise
disposait généralement de 24 trirèmes armées (c'est le cas en 1526 comme en
1549 ou en 1566) : en 1566, par exemple, 18 patrouillent loris l'Adriatique
ou sont à quai à Venise tandis que 6 se trouvent en Crète et à Chypre. Mais
en temps de guerre, Venise était capable d'augmenter dans d'énormes
proportions sa flotte grâce à la remarquable organisation de son gigantesque
arsenal qui employait environ 3 000 ouvriers. Cela fut surtout vrai après la
catastrophique défaite de La Prevesa (septembre 1538) contre les Turcs,
sanctionnée par la perte de la Morée et des îles de la mer Égée. Le
République fit alors un grand effort, sous l'impulsion de l'amiral
Cristoforo Da Canal. Dès 1520, la réserve de Venise était de 50 trirèmes
gardées à l'Arsenal; en 1560 elle atteint 100 trirèmes, régulièrement
entretenues. Les techniques de l'Arsenal vénitien étaient si évoluées et
l'organisation si parfaite que, dans les périodes d'urgence (ainsi en 1570),
l'Arsenal est parfois arrivé à sortir une galère par jour.
Les moyens d'action
Entre 1540 et 1570, Da Canal mit au point la galère idéale de combat :
longue de 42 mètres sur 5 de large et haute de 1,75 mètre, la proue relevée,
les rames plus minces et plus légères obtenant une propulsion plus rapide;
l'artillerie de ces galères devint supérieure à celle des Turcs et des
Espagnols : un canon, 2 aspics (ou couleuvrines tirant des boulets de 12
livres) et 4 fauconneaux (tirant des boulets de 3 à 6 livres). Ces progrès
expliquent le rôle déterminant des Vénitiens à Lépante.
b/ Les autres flottes ne bénéficièrent pas d'une organisation aussi parfaite
malgré les moyens supérieurs des États. Les Turcs étaient peut-être capables
d'équiper en quelques jours une flotte car l'Arsenal de Constantinople était
très grand et disposait de 120 petits chantiers pouvant travailler
simultanément. Mais les galères turques étaient faites en général de bois
trop frais et, souvent, elles ne supportaient qu'une seule saison. Même pour
parvenir à la supériorité numérique, les Turcs durent appeler à l'aide les
corsaires de Tripoli, Tunis et Alger. De plus, dépendant de leurs prises sur
les chrétiens pour leur artillerie, ils furent souvent dépassés dans ce
domaine. Leurs échecs contre les Portugais dans l'océan Indien jusque vers
1560 sont en partie dus à cette infériorité.
Au cours du xvie siècle, l'Espagne développe surtout son escadre atlantique
: Charles Quint, en particulier, compta beaucoup sur l'alliance génoise pour
tenir la Méditerranée. A cette époque les meilleurs marins espagnols furent
basques et la Biscaye fournit le plus grand nombre de navires. Malgré tout,
on continue à construire des galères, surtout à la veille des grandes
expéditions contre Alger ou Tunis.
Les équipages étaient recrutés parmi les condamnés de droit commun, les
captifs turcs ou maures. La chiourme n'avait donc aucun esprit national et
la discipline était très relachée, on admettait de nombreuses femmes à bord,
ainsi les « 4 000 amoureuses » de l'expédition de Tunis.
Après 1550, la menace de la course anglaise augmenta beaucoup dans
l'Atlantique et l'Espagne fit un effort pour la neutraliser. Les escadres
avaient en général Carthagène, Gibraltar, Cadix, Vigo ou La Corogne comme
ports d'attache.
La flotte francaise est demeurée faible pendant 1e XVIe siècle malgré un
effort notable entre 1540 et 1560, surtout à l'époque d'Henri II : le nombre
des galères fut porté à 42, des équipages furent recrutés et des ports
aménagés (avec des services d'escadres) à Nantes et Marseille. En fait, en
Méditerranée, la France agit surtout par personnes interposées (les
corsaires barbaresques en particulier) car ses corsaires de Dieppe et La
Rochelle n'évoluaient guère que dans l'Atlantique.
c) La course en effet est souvent intervenue comme élément décisif. Elle a
littéralement écumé la Méditerranée pendant tout le siècle et pris une
importance croissante dans l'Atlantique durant les années 60.
La Méditerranée est alors infestée de corsaires : pour les chrétiens, ceux
de La Valette (Malte), Palerme, Messine, Trapani, Palma de Majorque, Almeria
et Valence; et encore les corsaires slaves de l'Adriatique, les Uscoques de
Fiume, particulièrement redoutables avec leurs petits navires habiles à
utiliser les moindres chenaux de la côte dalmate et ses nombreux abris
naturels. Pour les musulmans, ceux de Valona et Durazzo dans l'Adriatique
La position stratégique de la France, ses ambitions en Italie et lors
de l'élection impériale de 1519 (par l'intermédiaire de François Ier), son
souci de conserver ou améliorer les avantages acquis sur l'État bourguignon
pendant le XVe siècle, représentent une occasion continuelle de tension et
de conflit avec l'Empire.
4) La maîtrise de la Méditerranée est encore un enjeu capable d.- susciter
la guerre. En apparence le problème est simple : les Turcs ont le contrôle
de la Méditerranée orientale, l'Espagne celui de la Méditerranée
occidentale, le détroit de Sicile servant de zone frontière. En fait, la
situation est beaucoup plus compliquée: Venise, qui se rétablit assez vite
(après une dépression d'une vingtaine d'années) du coup porté par les
Portugais lorsqu'ils s'approprièrent une grande partie du commerce des
épices, a conservé des positions fortes en Méditerranée orientale, au moins
jusqu'en 1573 (perte de Chypre). Aussi ménage-t-elle les Turcs pour être
ménagée par eux. Ce qui explique l'attitude de Venise, cherchant à conserver
de bonnes relations avec l'Espagne et les Turcs en même temps afin de
maintenir ses affaires. Or Venise est un facteur important du jeu politique
en Méditerranée car elle domine l'Adriatique et possède une flotte
puissante.
En Méditerranée occidentale, les corsaires barbaresques (Alger, Tunis
surtout) empêchent l'Espagne d'exercer une domination réelle de la mer. Pour
comble l'Espagne craint (non sans raison) que ces corsaires ne viennent
donner la main aux morisques du royaume de Grenade restés musulmans de
coeur. La France contribue à compliquer le jeu en nouant de bonnes relations
avec les Turcs afin de gêner l'Espagne. Le résultat est que l'insécurité de
la Méditerranée occidentale peut être considérée comme un facteur constant
au XVIe siècle.
5) La maîtrise de l'Atlantique devient un autre enjeu de la politique
internationale. Au début du siècle elle oppose violemment Espagnols et
Portugais (ceux-ci, par exemple, intercepteront un des navires de
l'expédition Magellan lors de son retour). Par la suite, la maîtrise de
l'Atlantique central deviendra vitale pour l'Espagne parce qu'elle peut
seule assurer l'arrivée régulière à Séville des trésors d'Amérique, nerf
moteur de la politique impériale. Ces flottes chargées d'or et d'argent
deviennent une proie mirifique pour les corsaires : français et, de plus en
plus, anglais. Ce sera l'origine de difficultés croissantes avec
l'Angleterre qui produiront leur principal effet à la fin du XVIe siècle.
Fernand
BRAUDFL, Civilisation matérielle et capitalisme, Paris, A. Colin,
Livre Bibliothèque Municipale Arcachon Titre le XVI e Siècle /
BARTHOLOME BERNASSAR Professeur d'histoire Economique à l'université
de Toulouse et JEAN JACQUART Maître de Conférence a l'Université
de Picardie / Armand Collin / Edition 1973
Livre HISTOIRE
DU MOYEN AGE ET DE LA RENAISSANCE EDITIONS NATHAN BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE DE
ARCACHON