Les
changements profonds des réseaux commerciaux ont décidé les
possibilités et les contraintes des entrepreneurs industriels, qui
décidèrent leur stratégie en fonction des coûts de production (coût du
main d’oeuvre et approvisionnement en matières premières) et des coûts de
transaction (transport, commerce, connaissance des réseaux d’information
etc.), mais bien sûr surtout en fonction des débouchés et de la demande
sur un marché très compétitif.
Dans les villes
de l’Artois et de la Flandre wallonne le déclin de la draperie
traditionnelle diversifiée a eu lieu déjà aux XIIe et XIIIe siècle et la
crise a été plus durement sentie.
A
Lille, la draperie traditionnelle se trouvait déjà dès les années
1330-1340 en une situation désespérée. On ne produisit plus que 3.000
draps et dès 1350 la draperie de luxe a presque disparu. La
bonne draperie
persista à Lille au bas moyen âge , mais elle n’atteignait plus jamais son
rôle de jadis. La ville réussit néanmoins la conversion industrielle, en
se spécialisant en d’autres produits textiles et en développant une
capacité de finissage pour les draperies des campagnes et villes
environnantes.
Arras souffrait
le même sort. Puisque les villes de la Flandre wallonne étaient sous tutelle
royale, elles étaient plus durement atteintes par les premières années du
grand conflit anglo-français. Mais même plus tard, la conversion vers une
draperie de luxe, comme elle s’est passée à Gand et Ypres ne fut pas un
succès. Seulement les drapiers de Douai et de Saint-Omer ont défendu leur
industrie avec quelque succès. Comme à Gand, les drapiers audomarois ont
essayé de réagir à la perte des marchés pour les draps légers (la ville de
Saint-Omer était spécialisée en la production de saies dont elle produisait
vers 1250 pas moins de 60.000 pièces) en produisant des draps de qualité
moyenne,notamment les draps rayés. Malgré le fait que la draperie y avait
durement souffert au bas moyen âge, il n’y avait point de décadence générale
comme à Lille.
Comme les
drapiers des grandes villes de la Flandre flamande, la drapiers à Douai et à
Saint-Omer étaient sous l’emprise presque exclusive de la demande
hanséatique. Ainsi les vicissitudes de cette demande pouvaient provoquer des
“ booms ” ou des chutes soudaines de la production.
Mais elles
pouvaient même entraîner la décadence de l’industrie, comme à Saint-Omer
dans les années 1450 les difficultés commerciales entre la Flandre et la
Hanse.
Il n’y a aucun
doute que la crise du bas moyen âge a provoqué des changements profonds,
géographiques et qualitatives, dans la draperie des Pays-Bas méridionaux au
XIVe siècle
La perte des
débouchés des draps flamands en Europe méridionale (Italie, la péninsule
ibérique) et occidentale (France, Angleterre) ne fut pas compensée
totalement par la croissance du marché hanséatique.
En outre la
concurrence ne se limitait pas aux rivalités entre grandes et petites villes
en Flandre, une concurrence grandissante d’autres régions drapières se
faisait sentir à partir du XIVe siècle.
D’abord les
villes brabançonnes, puis les villes du comté de la Hollande entrent en jeu.
Jusqu’au XIII e siècle l’industrie drapière des villes du Brabant ne
produisit que des draps moins raffinés, essentiellement pour le marché
interne. A cause des conflits entre l’Angleterre et la Flandre dans les
dernières décennies du XIIIe siècle, des draps de Louvain et de Malines
apparaissaient de plus en plus sur les marchés d’exportation (Angleterre,
les foires du Champagne
et en Allemagne surtout). Comme en Flandre les coûts de transactions
augmentés au XIVe siècle ont forcé les drapiers brabançons à se réorienter
vers la production des draps de luxe. Cette conversion a particulièrement
réussi à Malines. Si la draperie urbaine de Louvain périssait (d’environ
19.000 draps, la production baissa vers 12.000 draps vers 1368, 9.200 draps
vers 1370 et à peine 3.000 draps vers 1410)
http://eh.net/XIIICongress/cd/papers/16Stabel281.pdf
Comme en Flandre, les drapiers
bruxellois et malinois ont du s’incliner pour quelques marchés devant les
centres industriels secondaires. Parmi les petites villes, surtout Diest a
réussi à augmenter sa place sur les marchés d’exportation et au cours des
XVe et XVIe siècles les centresde production rurale dans les campagnes
autour de Malines et Anvers ont produit de draps meilleurs marchés pour les
marchés internes et d’exportation Malgré un léger rebondissement de la
draperie urbaine dans la seconde moitié du XVe siècle la draperie
traditionnelle au Brabant était moribonde à la fin du XVe siècle et au XVIe
siècle .
En Hollande la draperie se
développa surtout dans la ville de Leyde à partir du milieu du XIVe siècle.
Comme dans les grands centres industriels des Pays-Bas méridionaux, la
draperie de Leyde se développa graduellement en draperie de luxe, employa
exclusivement la bonne laine anglaise. Ce n’est qu’à la fin du XVe et
au début du XVIe siècle que la draperie médiévale de Leyde connut son heure
de gloire,quand on produisit chaque année entre 20.000 et 24.000 draps.
Dès 1530 un déclin soudain se fit
sentir et vers 1550 le nombre de draps avait diminué à 7.000 draps et vers
1575 à peine 3.000 draps. Ce n’est qu’au cours du XVIIe siècle que la ville
a su renverser la situation
Mais le plus grand concurrent des
drapiers flamands dès la fin du XIVe siècle devint l’Angleterre. Stimulés
par une politique fiscale et monétaire persistante de la part des rois
d’Angleterre, les draperies anglaises entrèrent en jeu et devenaient des
concurrents redoutables des drapiers flamands, artésiens et italiens,
particulièrement en Europe centrale.
Cependant, le déclin au bas moyen
âge en Flandre doit être nuancé ; au cours du XVe siècle la production
drapière urbaine en Flandre ne baisse que d’un tiers. Ce n’est qu’au cours
du XVIe siècle que les chiffres présentent un net déclin et en une courte
période la draperie flamande a été réduite de moitié. La première moitié du
XVe siècle est plutôt une période de déplacement et restructuration de la
production drapière. Une nette tendance de concentration de la production se
fait sentir en Flandre intérieure (dans les villes du bassin de l’Escaut-
La politique fiscale et monétaire
des rois d’Angleterre faisait de la laine anglaise une matière première de
plus en plus inaccessible, seulement profitable pour les draps les plus
chers pour lesquels la demande fut plus mitigée ,l’industrie flamande, fut
touchée durement.
Les apprenties couturières en habits de
lin
En outre, les conséquences pour les
grandes villes s’empiraient car beaucoup de centres secondaires, forcés par
la demande internationale, se concentraient aussi de plus en plus sur ce
segment de la production (Courtrai était un exemple réussi de cette
conversion). Malgré le fait que la production totale dans les villes
drapières de la Lys semble se maintenir, la ville la plus prospère de cette
draperie au XIVe siècle, Wervicq, fut frappée par la crise. Les drapiers y
n’ont pas réussi comme leurs collègues à Courtrai et plus tard à Menin. Ce
sont les villes qui ont converti radicalement à la production de draps de
qualité faits de laine espagnole, qui réussirent le meilleur coup au XVe
siècle. Le succès foudroyant d’Armentières et de Poperinghe a peut-être
servi comme exemple aux drapiers d’Audenarde et Alost. La draperie en
Flandre maritime par contre ne s’est pas adaptée et dépérit. Surtout le
centre de production traditionnel, que fut Dixmude était durement frappé.
Les chiffres concernant la pauvreté
de cette ville au milieu du XVe siècle offrent une image pitoyable en effet.
Mais d’autres villes drapières souffrirent aussi, parce que
l’approvisionnement en laine abordable et des difficultésgrandissantes
concernant les débouchés se faisaient sentir.
Ces développements devenaient
encore plus aigus dans la deuxième moitié du XVe siècle. Certes, les grandes
villes semblent se rétablir, du moins d’une manière quantitative.
Mais ce redressement ne fut
seulement possible que grâce à une conversion de la draperie vers des
produits meilleurs marchés,un segment du marché ou les entrepreneurs durent
reconnaître dans les dernières décennies du XVe siècle la concurrence
grandissante et incontournable des draperies rurales. Les draperies de la
Lys furent en pleine crise, avec l’exception signifiante de Courtrai et
surtout de Menin, et la production drapière dans les villes du bassin de
l’Escaut stagna aussi.
Au XVIe siècle, les jeux sont faits
et le paysage industriel de la Flandre changea profondément. La draperie
lourde traditionnelle ne pouvait se maintenir que dans quelques villes
isolées. L’essor de la draperie meninoise dans le sillage de celle
d’Armentières, ne semble être qu’une anomalie. La draperie disparaissait
graduellement dans la plupart des villes drapières. Spécialement dans la
période 1520-1550 cette évolution devint aiguë, quand les villes dans le
bassin de l’Escaut et de la Dendre perdaient une à une leur draperie.
Même les drapiers à Poperinghe ne
pouvaient pas naviguer àcontre-courant.
le commerce international
les conséquences de ce commerce des draps pour
le réseau urbain, se sont organisés autour de
Bruges,
puis autour d’Anvers).
http://eh.net/XIIICongress/cd/papers/16Stabel281.pdf
Recueil de documents relatifs à l'industrie drapière en Flandre compte
quatre gros volumes in-4°, publiés par la Commission royale d'Histoire
de 1906 à 1924 ; plus des Additions au Recueil de documents relatifs à
l'industrie drapière en Flandre, qui ont vu le jour dans le Bulletin
de la Commission royale d'Histoire, t. 93, 1929. Ce recueil est d'une
surprenante richesse.
situation par rapport au récit ci dessus
2
explications
Riche et peuplée, la Flandre est troublée
politiquement. En théorie, elle fait partie du royaume de
France; mais depuis
la dernière décennie du XIIIe siècle les rois de France doivent
peser de toute leur force pour maintenir leur autorité sur ce comté:
travaillant la laine anglaise, les tisserands flamands ne peuvent
s'accommoder de la guerre entre la France et l'Angleterre, que le prétexte
en soit la souveraineté française sur le fief aquitain du roi anglais, ou, à
partir de 1337, les prétentions
d'Edouard III d'Angleterre
à la couronne de France. Mais si les tisserands et les artisans regardent
plutôt vers l'Angleterre, le patriciat qui dirige les villes est plutôt
profrançais, ce qui crée de violentes tensions.
http://www.memo.fr/article.asp?ID=REG_FRA_BOU_002
Les
villes drapantes de Flandre |
|
La Flandre produit, d'abord
dans les zones rurales, puis en ville des textiles qui sont surtout
destinés à l'exportation. La production du drap flamand, après avoir
donc puisé sa matière première dans l'arrière pays, se tourne vers
l'élevage lainier de l'Angleterre avec laquelle les villes flamandes
entretiennent d'anciennes relations commerciales. La région s'impose
comme le principal centre industriel de l'Europe du Nord au 12è et 13è
siècle car le textile est l'objet du grand commerce international allant
de l'orient à la mer du nord. Les villes de Flandre sont donc des pôles
de production et d'échanges. Ainsi, le phénomène urbain de la Flandre
est étroitement lié à la draperie durant tout le Moyen Age dans tous les
aspects des villes : société, commerce, pouvoir politique ce que nous
allons constater tout d'abord en étudiant l'émergence des villes et la
place de la draperie dans ce processus. Les villes de Flandre à leur
apogée sont toutes entières tournées vers ce commerce. La draperie tient
justement sans doute trop de place au moment où l'Europe et la Flandre
traversent des crises durant les siècles du bas Moyen Age...
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http://www.oboulo.com/expose/villes-drapantes-flandre.html
Guerriers et paysans.
Georges Duby. VII-XIIe siècles. Premier essor de l’économie européenne |
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Dans cette étude, Georges Duby, grand historien,
remet en question des phases chronologiques de nouvel essor et de
rupture, autant qu’il met en relief des mécanismes économiques nouveaux
durant le Moyen-Âge, se détachant ainsi de la mouvance historique alors
établie. Dans cette œuvre majeure, Duby veut démontrer en quoi la
période VII-XIIe siècles reflète un premier essor de l’économie
européenne (sous-titre). Ainsi, il insiste sur le basculement économique
de l’Occident médiéval dont le centre de gravité se situe entre la Loire
et le Rhin, centre économiquement actif et relié à un axe commercial
très puissant, allant de la Méditerranée à la mer du Nord par le Rhône,
la Saône et la Meuse.
Pour Duby, le renouveau économique vient des campagnes du Nord, où
progrès de la production céréalière et carnée s’allie avec les
défrichements et la croissance démographique sensible à l’Est du Rhin.
Cet essor, impulsé à la fois par les cours mérovingiennes et les
monastères locaux, ainsi que par l’apparition du domaine bipartite
(réserve et manses) est particulièrement visible en Gaule du Nord,
région profitant d’un commerce mettant en relation l’Angleterre avec le
Nord de l’Europe, par la plaque tournante que représentent la Manche et
surtout la mer du Nord (à l’initiative des marchands frisons). L’essor
du commerce septentrional traduit en fait le basculement économique de
l’Europe chrétienne, notamment par l’abandon progressif de la monnaie
d’or.
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http://www.oboulo.com/expose/guerriers-paysans-georges-duby-vii-xiie-siecles-premier-essor-economie-europeenne.html
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