Au cours de la seconde
phase féodale,
1050-1300, la fin des secondes invasions, les progrès des
techniques agricoles et le développement du commerce
provoquèrent une expansion géographique et économique, ainsi
que l'accroissement de la population de l'Europe chrétienne,
qui modifièrent certains aspects du féodalisme, le système
économique, social et politique de l'époque.
Le développement du
commerce redonna de la force aux villes qui, pendant la
première phase féodale, s'étaient dépeuplées et appauvries.
Des échanges croissants s'établirent alors. La campagne
approvisionnait la ville et recevait en paiement de l'argent
ou des produits manufacturés qui remplaçiaent ceux à
caractère domestique fabriqués par le famille paysanne.
La reprise
économique et urbaine eut 2 centres distincts : l"un au sud,
formé des villes italiennes comme Venise, Amalfi, Pise,
Gênes, etc., et s'activant en Méditerranée, et l'autre au
nord, sur les côtes flamandes, Belgique, et allemandes dont
les villes de Bruges, Gand et de Lille, villes flamandes, et
de Brême, Lübeck et Hambourg, villes allemandes,
commerçaient principalement en mer du Nord et en Baltique.
Exploitant les
voies fluviales, surtout celle du Rhône, ces centres
commerciaux atteignaient le coeur de l'Europe et
établissaient des contacts avec la Champagne française, où
se tenaient d'actives foires, comme celles de Troyes, de
Lagny, de Provins, etc., patronnées par les autorités
locales, qu'elles fussent monarchiques, seigneuriales ou
ecclésiastiques. En même temps, certains voies terrestres
s'étaient améliorées comme le carrefour des Alpes qui, grâce
au passage du Saint-Gothard, favorisa les villes lombardes,
surtout Milan.
A la fin du XIIème
siècle, Milan comptait plus de 200.000 habitants,
approvisionnés par de nombreuses boulangeries, boucheries et
des marchés offrant toutes sortes de fruits, de légumes et
de céréales. Mais le gros du transport marchand se faisait
par navigation maritime, où la boussole, le gouvernail de la
poupe qui remplaça le timon latéral, et l'amélioration de la
cartographie constituèrent des progrès fondamentaux. A cela
s'ajouta une capacité accrue des navires, que ce fut les
Kogge ventrus des mers du nord ou les légères petites
galères vénitiennes à 2 mâts, qui pouvaient transporter 500
tonnes.Les produits d'Extrême-Orient ou d'Asie mineure, que
les caravanes amenaient aux ports de Kaffa,d'Acre,
d'Alexandrie ou de Phocée étaient attendus par ces bateaux
affrétés par les commerçants italiens, qui échangeaient des
étoffes, des vins et des métaux d'Europe contre des épices,
de l'ivoire, des tapis ou des perles d'Orient. Papallèlement,
en mer du Nord et en Baltique, des bateaux allemands,
flamands et anglais, apportaient et emportaient des peaux et
du miel de Russie, des bois de Scandinavie, de la laine
d'Angleterre, du blé d'Allemagne, des draps des Flandres,
des vins français et des produits achetés aux foires
champenoises arrivant par la Méditerranée.
Le redressement du
commerce favorisa la proléfération d'un personnage nouveau
dans la société féodale, le marchand, qui, transportant sa
marchandise sur les épaules ou dans des charrettes
rudimentaires, parcourait les fiefs et les agglomérations
campagnardes en quête de clients. Voyageurs infatigables,
ces colporteurs étaient méprisés par leurs contemporains et
recevaient des quolibets comme "pieds poussiéreux", ainsi
qu'on les surnomma en Angleterre. Leur condition même de
vagabonds les rendait suspects aux yeux d'une société ou la
majorité mourait sans être jamais sortie de sa terre natale
et où revendre un produit plus cher que son prix d'achat
était condamné par l'église.
Certains de ces
marchands voyaheurs, qui étaient très souvent les victimes
de brigands de grand chemin, réussirent à prospérer et à
amasser une grosse fortune comme, par exemple, Godéric de
Finchal, d'origine modeste qui, après avoir vagabondé devint
marchand et, parcourant d'abord les villages et les
bourgades, puis les châteaux et les villes, avait accumulé
une jolie fortune. Risquant davantage, s'associant avec
d'autres collègues, Godéric passa contrat avec un bateau qui
visitait les ports anglais, écossais, danois et belges,
vendant en un endroit ce qu'il avait acheté en un autre.
Après quelques années, ce personnage du XIIème siècle était
devenu immensément riche, grâce à la différence entre le
prix d'achat et le prix de vente.
Un siècle plus
tard, Nicolo et Maffeo Polo, 2 frères vénitiens possessuers
d'un bateau avec lequel ils commerçaient avec Byzance,
décidèrent au cours d'un voyage de visiter la Horde d'or,
ainsi qu'on appelait le royaume mongol, ou tatar, du sud de
la Russie. De Crimée, ils partirent à cheval et arrivèrent
au campement de la horde d'or, sur les rives de la Volga, où
ils furent surpris par une querelle opposant le Khan, roi,
local au gouverneur de Perse, ce qui leur fermait le chemin
du retour. Ne pouvant rentrer, les Polo décidèrent de rendre
visite au Khan d'Asie centrale.Un long voyage à travers les
territoires habités par des tatars nomades leur permit
d'atteindre le fleuve Oxus et, en suivant son cours de
débarquer finalement à Boukhara, la magnifique ville du
Turkestan. Là, ils restèrent 3 ans jusqu'à ce qu'ils fissent
la connaissance de l'ambassadeur de Koubilaï Khan, chef
suprême de tous les khan, dont le siège était en Chine.
Invités par l'ambassadeur du grand Khan, les Polo se
rendirent au coeur de l'Asie. Un an plus tard, ils étaient
présentés au souverain mongol.
Koubilaï Khan
montra un vif intérêt pour les coutumes, les gouvernements
et la religion d'occident, sur lesquels les voyageurs
vénitiens purent l'informer dans sa langue qu'ils
maîtrisaient déjà parfaitement. Désirant établir un contact
avec le pape, koubilaï Khan leur demanda d'être, à leur
retour, ses ambassadeurs auprès du pontife leur donnant une
tablette d'or qui, véritable passeport de luxe, leur
assurait l'hospitalité et toutes les facilités à l'intérieur
des territoires mongols. Les Polo mirent 3 ans pour
atteindre le port d'Acre, où ils furent informés de la mort
récente du pape, qui n'avait pas encore de successeur, ce
pour quoi ils décidèrent de rentrer directement à Venise.
Deux ans plus tard,
les Polo retournèrent chez le grand khan, accompagnés de
Marco, fils de Nicolo, alors âgé de 16 ans. Présenté par ses
parents, le jeune vénitien se montra si intelligent et
sympathique qu'il resta 20 ans au service de Koubilaï,
parcourant une grande partie de l'Extrême-Orient, de
nombreuses fois en mission officielle. Marco Polo nota ses
expériences par écrit et ses récits sur les régions, la vie
et les moeurs d'Extrême-Orient constituèrent des
informations de première main pour les européens du XIVème
siècle, et, 600 ans plus tard, ils le sont encore pour nous.
Mais revenons à nos
villes européennes du bas moyen-âge, dont l'accroissement de
la population entraînait les agrandissements successifs de
leurs murailles défensives. A Vienne, par exemple, on
construisit, des 1100, 4 lignes de murailles, l'une
encerclant l'autre et augmentant le périmètre urbain. Il en
fut de même avec Cologne, Bâle, Gênes, Paris, etc..
L'apparition de la
bourgeoisie, classe sociale regroupant les habitants
principaux de la ville, ou bourg, modifia la composition de
l'ancienne société féodale des nobles, des prêtres et des
serfs. Avec le développement urbain, la bourgeoisie fut en
se hiérarchisant et, déjà au XIIIème siècle, on y
distinguait une minorité, qu'on appelait Patriarcat.Le
patriarcat se composait des plus puissants marchands et
banquiers de la ville ainsi que des propriétaires des grands
ateliers, maîtres, qui contrôlaient la production
artisanale. Ce patriarcat fut celui qui mena les premières
luttes politiques ou armées pour obtenir de la noblesse, du
pouvoir ou de l'église, des droits qui garantissent leurs
professions et les affaires intérieures de la ville. Dans
l'échelle sociale urbaine, le patriarcat était suivi d'une
classe plus nombreuse de bourgeois, de moyens ou de petits
commerçants et artisans qui, bien qu'elle eut souvent un
haut niveau économique, voyait son ascension sociale bloquée
par les patriciens.
Ces artisans se
groupèrent en de puissantes corporations pour défendre leurs
intérêts, mais ils restèrent soumis sur le plan économique
au patriarcat, qui avait les matières premières et
contrôlait la commercialisation de leurs produits. Un autre
groupe minoritaire qui, bien qu'il n'eut pas de grosse
fortune, fondait son prestige sur ses dons intellectuels ou
sur d'importantes charges publiques ou ecclésiastiques,
s'ajoutait à la bourgeoisie, au patriarcat et aux membres
des corporations. La population urbaine se formait d'une
autre couche sociale, majoritaire, composée des salariés,
des journaliers, des serviteurs domestiques et d'une classe
de marginaux, comme les baladins, les acteurs, les mendiants
et les délinquants.
Dans la seconde
moitié du XIIIème siècle, les corporations et le patriarcat
se livrèrent bataille au nord et dans le centre de l'Italie
ainsi que dans la plupart des villes flamandes et
françaises, parmi lesquelles l'affrontement d'Huy eut les
plus graves conséquences. En effet, en 1298, une coalition
de corporations dirigée par l'évêque de cette ville affronta
le patriarcat, qui prétendait imposer un régime
oligarchique, gouvernement d'une minorité. La révolte
corporative se répandit dans toutes les Flandres. Le
patriarcat d'Huy obtin l'appui du roi de france, Philippe IV
le Bel, qui y vit l'occasion d'annexer cette riche région à
son royaume. Cela décida le comte de Flandres à rejoindre
les rebelles, organisant une armée où prédominait
l'infanterie pour affronter l'ennemi. La rencontre eut lieu
à Courtrai en 1302 ; dans cette bataille, les fantassins
flamands l'emportèrent de manière décisive sur la lourde
cavalerie féodale française.Malgré sa divisiondue à ses
luttes de classe et bien que ses fractions fussent soutenues
par d'autres secteurs du pouvoir, la monarchie, l'église et
la noblesse, la bourgeoisie réussit à garder son unité
lorsqu'elle chercha à sa libérer de la tutelle féodale. De
nombreuses fois, elle négocia et obtint l"appui des rois.
Ainsi, grâce aux chartes royales qui établissaient les
obligations envers le trône et les droits qu'elles avaient,
les bourgeoisies obtinrent le gouvernement intérieur,
l'administration de la justice et le contrôle des corps
armés qui garantissaient la sécurité et l'ordre dans leurs
villes.
Malgré leur
indépendance, les communues françaises restaient liées à
l'autorité du monarque ; mais en Italie et en Allemagne
surtout, nombre d'entre elles formèrent de véritables états.
Si importante qu'elle fut, aucune ville ne pouvait affronter
pour son compte un seigneur féodal ou un royaume qui
menaçait de la soumettre, étant donné ses limites
géographiques et démographiques et, pour cela, nombre
d'entre elles se groupèrent en de puissantes organisations,
comme la Ligue hanséatique, la Hanse, qui rassemblaient les
villes allemandes de la Mer du nord et de la Baltique ou
celle regroupant les villes lombardes qui affrontèrent
l'empereur germanique Frédéric Barberousse ou, encore, ce
qu'on appele les confréries des communes espagnoles, qui
défendaient leurs droits contre le royaume et la noblesse
féodale.
Dans cette période
qui conclut le moyen-âge, le château et la ville
représentaient 2 sociétés, 2 façons de vivre et de penser.
Si l'idéal du châtelain ou du seigneur féodal était d'être
un héros ou un saint, celui du bourgeois était de travailler
pour s'enrichir, ce pour quoi il trouvait condamnable le
mépris que les nobles ressentaient à l'égard du travail.
Pour le maître, le commerçant et le banquier de la ville, le
travail était une activité constante, interrompue seulement
par le dimanche ou quelque fête déterminée par les
célébrations officielles ou religieuses. Cette tâche
productrice, marchande ou financière, exigeait l'usage de la
monnaie ou du dinar, unité de valeur et instrument d'échange
indispensable aux affaires, et symbole du pouvoir croissant
de la bourgeoisie, comme la terre l'était du secteur féodal.
L'accroissement de
la circulation monétaire développa l'activité boursière
banquière et boursière, en même temps qu'apparaissaient les
assurances qui protégeaient les envois d'un point à un
autre. Pendant le haut moyen-âge, l'église avait maintenu le
critère du juste prix, selon lequel un produit avait une
valeur que la pénurie ne pouvait changer.. Mais au bas
moyen-âge, elle dut reconnaître les rapports de l'offre et
de la demande ainsi que le droit à un bénéfice variable.
A cette époque de
changements des lois économiques, les corporations
réglementèrent l'activité des corps de métier en fixant les
qualités et les prix, le rythme de production et
l'approvisionnement en matières premières. La corporation
assumait aussi l'apprentissage des métiers et dans chaque
atelier, le maître accueillait un groupe d'apprentis, qui
payaient leur formation jusqu'à devenir ouvrier et toucher
un salaire. Les ouvriers qui se distinguaient pouvaient
arriver à se rendre indépendants et créer leur propre
atelier, après avoir reçu l'approbation ,et parfois l'aide,
de la corporation. Véritable entité sociale et politique, la
corporation veillait à la sécurité de ses membres et prenait
soin des familles en cas de décès. Les corporations avaient
des représentants dans les gouvernements des villes libres,
qui participaient aux décisions publiques.
Expression de la
ville et de l'esprit de l'époque, commença à se développer
dès le milieu du XIIème siècle un nouveau style
architectural, le gothique, ou l'ogival, qui atteint sa plus
haute splendeur dans les grandes cathédrales. Orgueil de
l'ère médiévale, ces imposantes constructions exigèrent les
efforts de plusieurs générations et furent édifiées grâce à
l'apport de tous les citoyens. Certaines de ces cathédrales
ne furent pas terminées, d'autres mirent plusieurs siècles à
l'être et assimilèrent les varierions architecturales des
nouvelles époques.
Le plan de ces
édifices était semblable à celui des églises romanes, le
style précédent. Le changement le plus important fut
appliqué à l'extérieur, où les tours acquirent une hauteur
et une légèreté extraordinaires. De gigantesques vitraux
colorés assemblés par de minces filets de plomb couvraient
de larges ouvertures donnant place à la lumière qui arrivait
dans l'intérieur des cathédrales sous forme de faisceaux de
couleurs se déplaçant avec le soleil. Les vitraux gothiques
représentaient des thèmes sacrés comme les fresques des
précurseurs byzantins l'avaient fait pour le style roman.
Le gothique fut le
style des cathédrales de Chartres, de Paris, de Cologne, de
Milan, de Salisbury, de Tolède et de bien d'autres, mais on
bâtit aussi des châteaux et des édifices publics de ce
style, comme les palais de Bruges et de Nuremberg, les
halles de Saragosse, le palais ducal de Venise, etc..
Cette apogée
architectural s'accompagna d'un développement des
universités, qui avaient à leur charge la recherche et
l'enseignement supérieur et jouissaient de privilèges en
tant que véritables corporations. A l'université, divisée en
facultés, on étudiait les arts, la théologie, la médecine,
le droit civil et le droit canonique. Quelques universités,
comme celle de Paris, étaient dirigées par les professeurs ;
d'autres, comme Bologne, le furent par ses propres
étudiants. Outre celles déjà citées, Oxford et Cambridge en
Angleterre, Padoue et Naples en Italie, Salamanque en
Espagne, Coïmbre et Lisbonne au Portugal,etc., furent les
sièges de célèbres universités dès le XIIIème siècle. Là,
étudièrent et enseignèrent les grands philosophes de
l'époque : Vincent de Beauvais, Albert le Grand, Alexandre
de Halle, Roger Bacon, Jean de La Rochelle, canonisé plus
tard, et d'autres.
Cette époque vit
aussi l'épanouissement d'une abondante littérature, où le
latin, langue officielle et savante, fut remplacé par les
dialectes régionaux, bases des langues modernes. Baladins et
musiciens parcouraient les châteaux et les bourgades, les
villes et les villages, récitant des chansons d'amour, des
poèmes épiques ou d'aventures chevaleresques, accompagnés à
la flûte et à la viole. Le long poème français "la chanson
de Roland", du XIIème siècle, est un des précurseurs de
cette littérature qui s'enrichit ensuite du "cantar del mio
cid", en Espagne, de "Tristan et Iseult" et des "Nibelungen"
en Allemagne, des "chevaliers de la table ronde", en
Angleterre, et des sagas irlandaises et scandinaves, entre
beaucoup d'autres oeuvres.
Mais cette gloire
européenne fut assombrie par une série de catastrophes qui
commencèrent au XIVème siècle et se prolongèrent jusqu'au
milieu du XVème siècle, c'est-à-dire pendant les 150 ans du
moyen-âge. Sur la bases d'études récentes, on sait que le
début de cette période critique coïncida avec certains
changements climatiques, diminution de la température
moyenne, augmentation de l'humidité, qui affectèrent la
production agricole.
Vers 1315, un cycle
de mauvaises récoltes engendra une famine sur tout le
continent européen, au moment où les progrès techniques et
la conquête de nouvelles terres cultivables étaient
parvenues à leur terme. Un affaiblissement de la population
favorisa la propagation de maladies et d'épidémies,
situation qui s'aggrava en 1346 lorsque, venant d'Asie et
arrivant dans les ports méditerranéens, commença à se
répandre dans toute l'Europe la peste noire, comme on
appelait alors la peste bubonique, dont les porteurs sont
les puces de certains rongeurs. Seules les régions les plus
froides, la Scandinavie, la Pologne, la Russie, échappèrent
à la grande mortalité qui faucha un tiers de la population
européenne en quelques années.
A la peste noire
s'ajoutèrent d'autres épidémies, comme la variole et la
grippe, qui persistèrent jusqu'au milieu du XVème siècle. La
réduction de la population, et le manque de bras qu'elle
entraîna, obligea l'abandon de nombreuses terres cultivables
qui devinrent des pâturages. L'élevage augmenta aux dépens
de l'agriculture, surtout en Angleterre et en Espagne. La
mortalité fut encore plus forte dans les villes qui virent
leur productivité et leur commerce diminuer tandis que la
monnaie subissait de constantes dépréciations. A ce tableau
affligeant s'ajoutèrent de graves problèmes politiques.
Alors que dans le
Saint Empire Germanique les luttes entre la monarchie et la
noblesse avaient affaibli son unité et sa puissance, la
papauté affrontait un grave conflit avec la France. Philippe
le Bel, qui avait échoué peu d'années auparavant dans sa
tentative d'annexer les Flandres, s'opposait farouchement à
ce que le pape nommât des évêques sans le consulter.
Boniface VIII excommunia le roi de France. Celui-ci trama
alors un complot contre le pape et imposa ensuite pour
successeur un évêque français, qui transféra le siège
pontifical en Avignon, en France, provoquant une rupture
dans l'église catholique, connue sous le nom de Schisme
d'Avignon.
Entre-temps, le
mariage d'Isabelle, fille de Philippe le Bel, avec Edouard
II, roi d'Angleterre, avait adouci les vieilles rivalités
des 2 puissants royaumes. Lorsqu'en 1328 mourut sans
descendant le dernier fils et successeur de Philippe le Bel,
son petit-fils, devenu 1 an plus tôt roi d'Angleterre sous
le nom d'Edouard III, revendiqua le trône de France. La
noblesse française vit menacés les intérêts de son pays,
rival d'Angleterre et fondé sur la loi salique qui,
concernant la succession, respectait seulement la branche
masculine de la famille royale, elle consacra un neveu de
Philippe le Bel, sous le nom de Philippe VI. Le nouveau
monarque prétendit reprendre sous sa domination la région de
Guyenne, possession anglaise en territoire français. Edouard
III revendiqua alors la couronne de France et ce fut
l'éclatement de la guerre de 100 ans.
Le long conflit
ravagea la France avec de nombreuses batailles interrompues
par des périodes de paix imposées par la peste, 1348-1353,
ou par l'accord de Brétigny, en 1360, qui donna à
l'Angleterre l'ouest français au sud de la Loire et la
région de Calais. Les querelles internes imposèrent aussi un
répit à l'interminable guerre, comme celle des Plantagenêt
et des Lancaster en Angleterre, ou aggravèrent le conflit
comme celle des bourguignons et des armagnacs en France. A
la bataille d'Azincourt, Henri V, Lancaster, soutenu par les
bourguignons, fit prisonnier Charles VI, roi de France. Par
le traité de Troyes, celui-ci déshérita son fils, prénommé
Charles, et désigna pour successeur le roi d'Angleterre, à
qui il donna sa fille en mariage.
En 1422, à la mort
de Charles VI, les français étaient à nouveau divisés : les
bourguignons soutenaient Henri VI, le nouveau roi
d'Angleterre, pour le trône français ; les armagnacs
appuyaient le dauphin déshérité Charles. La guerre reprit et
les anglais avancèrent jusqu'à assiéger Orléans. Ce fut
alors qu'apparut une humble jeune fille qui changera le
cours de l'histoire : Jeanne d'Arc. La foi inébranlable de
Jeanne d'Arc en la victoire se répandit parmi de nombreux
hommes d'armes. L'adoslescente fut admise à une entrevue
avec Charles, qui décida de lui donner 5.000 soldats pour
secourir Orléans.
En 1429, on dit
qu'empoignant l'épée que Charles Martel avait utilisée 700
ans auparavant contre les envahisseurs musulmans, celle
qu'on surnomma la "pucelle d'Orléans", libéra la ville
commençant ainsi la reconquête de la France. Reims fut une
autre de ses victoires, après quoi Charles VII se fit sacrer
dans la cathédrale gothique de la ville. Les intrigues de la
cour conspirèrent contre Jeanne d'Arc, qui tomba prisonnière
des bourguignons dans une bataille. Les anglais la soumirent
à un tribunal de l'inquisition et elle fut condamnée au
bûcher pour hérésie, sans que le roi de France ait fait
quelque geste pour la sauver.
Au milieu du XVème
siècle, presque toute la France avait été reconquise. A la
fin du conflit en 1453, les 2 royaumes, bien qu'affaiblis,
constituaient les puissances souveraines de l'époque. Bien
qu'il y eut encore des problèmes avec la noblesse, les 2
monarques renforcèrent leur autorité par la suite. La guerre
de 100 ans avait eu ses prolongements dans les conflits de
succession qui affectèrent à la mort d'Alfonse X le sage, la
Castille, le plus grand royaume chrétien de la péninsule
ibérique. Les différents clans castillans eurent pour alliés
l'Angleterre ou la France ; le sort en fut jeté à la
bataille de Montiel, en 1369, où la dynastie des Trastamare,
avec l'aide française, gagna le droit au trône.
Ces guerres civiles
interrompirent la reconquête chrétienne de la péninsule, où
les maures contrôlaient encore la région de Grenade.
L'expulsion des musulmans se fera bien après, sous les rois
catholiques dont le mariage, en 1469, scella l'union des
deux royaumes.
Pendant une partie
de la guerre de 100 ans, l'église catholique avait été
dirigée par 2 papes : l'un établi à Avignon, soutenu par les
évêques locaux et soumis au roi de France, l'autre siégeant
à Rome, appuyé par les évêques italiens. Le conflit fut
résolu en 1415, au concile de constance, par la nomination
d'un nouveau, et unique, pape, et où l'on approuva en plus
que l'ensemble des évêques prédominerait sur l'autorité
pontificale. Cette importante mesure, qui fut sur le point
d'être ratifiée par le concile de Bâle, en 1431, fut dérogée
plus tard par le pape Eugène IV.
Pendant que tout
cela avait lieu dans l'occident chrétien, l'Empire byzantin
affrontait de graves difficultés. Au milieu du XIVème
siècle, les turcs ottomans occupèrent une partie de la
péninsule balkanique. Une armée occidentale vint à l'aide
des byzantins mais les alliés chrétiens furent vaincus par
les musulmans à Nicopolis en 1396. Quand les ottomans
assiégèrent plus tard Constantinople, une nouvelle vague
d'envahisseurs mongols, dirigés par Tamerlan qui avait déjà
dévasté la horde d'or, menaça les territoires musulmans et
obligea les turcs à se replier. L'Empire byzantin profita de
ce répit pour reprendre des forces et fortifier son alliance
avec d'autres royaumes chrétiens.
En 1402, les
troupes de Tamerlan battirent finalement les armées
ottomanes à Ancyre et imposèrent leur domination à une vaste
région. Mais cela fut de courte durée et, à la mort de
Tamerlan, en 1405, les sultans turcs reprirent le pouvoir.
Délivrés des mongols, les ottomans retournèrent bien vite
leurs armes contre Byzance, qui avait pour allié le royaume
de Hongrie. A nouveau, les armées chrétiennes furent
vaincues par les troupes musulmanes à la bataille de Varna,
en 1444.
Peu d'années après,
et à la suite d'une grande tuerie, Constantinople même était
conquise par le sultan Mehmet II. Les turcs ottomans en
feront le centre de leur immense empire. Sa belle et
ancienne basilique, Sainte-Sophie, symbole de l'église
chrétienne orthodoxe, fut transformée en Mosquée. Le 29 mai
1453, date à laquelle Constantinople passa sous domination
musulmane, marque pour de nombreux historiens la fin du
moyen-âge.