Les progrès sont plutôt à
chercher, comme à la fin du XVe siècle, dans le développement de cultures ou
d'activités spéculatives, là où le marché le permet.
La vigne gagne encore du terrain, vigne de
qualité, produisant des vins exportés vers l'Angleterre, les Pays-Bas et
l'Europe du Nord, dans le Bordelais, la Bourgogne, vigne plus populaire
alimentant les marchés urbains. L'évolution du vignoble parisien vers cette
forme nouvelle, liée à la popularisation de la consommation, est
significative.
Dans le Languedoc et la Provence, l'olivier gagne également
du terrain. Par contre l'Ouest de la France tend à développer l'élevage sur
les prairies naturelles et les landes, tandis que les banlieues, surtout
autour de Paris, font « des nourritures » : les bêtes, venues d'autres
provinces, sont mises à l'engrais sur les jachères et les chaumes. De même,
les cultures industrielles (chanvre et lin, plantes tinctoriales) améliorent
la rentabilité du sol.
L'influence du capitalisme naissant sur la vie agricole se marque ainsi par
un souci nouveau de profit, de meilleure utilisation du sol, d'adaptation
aux besoins nouveaux du marché. Il se marque surtout par l'investissement
sous différentes formes.
Depuis très longtemps, l'acquisition de la terre,
et particulièrement de la terre noble, était, pour les citadins enrichis par
le commerce, un placement et un moyen de promotion sociale.
La nouveauté est
dans l'ampleur nouvelle du phénomène : tandis que les officiers royaux
recherchent fiefs et seigneuries, les marchands, les artisans se lancent à
la conquête des terres en censive, que vendent les ruraux les plus pauvres.
Le phénomène est tout naturellement limité aux abords des villes : Lyon,
Montpellier, Rouen, Bordeaux et Paris, surtout. Cette politique d'achats
vise à la constitution de domaines, formant autant de cellules
d'exploitation rentables, si possible rassemblées.
Cette emprise croissante de la Ville sur ses campagnes environnantes, qui
complète la mainmise de l'Église et de la noblesse sur une large part du sol
amène naturellement le développement du faire-valoir indirect.
Si le métayage, dans lequel le propriétaire
amène la moitié du capital d'exploitation, apparaît comme une forme assez
conservatrice. le fermage, en plein essor sur les plateaux limoneux du
Bassin parisien suppose, au sel:: même de la paysannerie, l'existence d'un
groupe de « laboureurs », dotés du matériel. du cheptel, de l'expérience et
des capitaux nécessaires à la mise en valeur de gros:fermes (parfois plus de
100 ha en Valois, Brie ou Beauce).
Ces exploitants apparaissent comme des
entrepreneurs, plus attachés à leur bail qu'à leurs propres biens sur le
marché, vendeurs de grains, de bestiaux, fournisseurs de travail aux ruraux
moins bien pourvus, ils cumulent les occasions de profit en se faisant
receveurs de dîmes ou de droits seigneuriaux. Ils tendent ainsi
naturellement à dominer le monde paysan. Mais on ne le trouve encore que
dans quelques provinces privilégiées et des villages moins contrasté.
Si la prospérité agricole permet à la paysannerie dans son ensemble de
profiter de l'élan général de l'économie, si les témoignages - par exemple
les écrits de Noël du Fail - nous montrent la crise qui caractérise la
période 1560-1700 : jeu des partages successoraux, amenuisement de la
propriété paysanne, inconvénients de la très petite exploitation, réduction
du salaire réel des manouvriers. A partir de 1540, le ralentissement de la
croissance accentue ces difficultés.
De même que la production agricole, la production artisanale a dû
s'accroître de 1500 à 1550, comme elle l'avait fait dans le demi-siècle
précédent. Là aussi, impossible de chiffrer. Quelques données éparses : les
6 000 sayetteurs d'Amiens en 1547 et leur production, 40 à 50 000 pièces;
les 460 forges recensées par le chancelier Poyet qui note que beaucoup ont
moins de 25 ans; la multiplication des verreries; les milliers de livres
sortis des presses de Paris, de Lyon, de tant d'autres villes. Quelques
indices concordants : la montée du produit de certaines taxes indexées sur
la production, le gonflement des échanges. A côté des branches
traditionnelles, la période est marquée par le développement d'activités
nouvelles, destinées à fournir des produits jusque-là importés ou demandés
par le marché. On a noté plus haut l'extension de la draperie légère et de
la sayetterie, phénomène européen, qui touche la France du Nord. Il faut
faire une place spéciale à l'industrie de la soie. Introduite à Tours par
Louis XI vers 1470, elle s'y développe rapidement grâce à la présence de la
cour dans le val de Loire: on parle de 800 maîtres et de 8 000 métiers vers
1550. C'est en 1536 qu'un privilège est donné à un marchand italien pour
créer une manufacture à Lyon, mieux placée pour recevoir la matière première
d'Italie ou d'Orient. Les progrès sont rapides : peut-être 5 000 ouvriers au
milieu du siècle. L'intérêt de cette industrie est de montrer le rôle joué
par le pouvoir en matière économique : subventions, monopoles de
fabrication. On verrait la même action dans l'introduction de la verrerie de
luxe (à Saint-Germain-en-Laye). Le développement des forges est également
attesté partout où se trouvaient réunis rivière, minerai et forêt :
Nivernais, Bocage normand, Barrois, Dauphiné. Selon J.U. Nef, vers 1560, la
production française l'emporte par sa masse et sa variété, mais la qualité
reste médiocre : minerais moins riches, techniques moins évoluées.
La petite entreprise, aux horizons limités, produisant peu, ne mobilisant
que des capitaux médiocres domine largement. Les phénomènes de
précapitalisme restent exceptionnels au stade de la production : séparation
de la propriété des forges et de leur mise en oeuvre, concentration plus
forte de certaines entreprises, comme les salines ou les grands ateliers
d'imprimerie.
C'est, en France comme ailleurs, au stade de la
commercialisation qu'on observe les formes nouvelles. Au vrai, le système
des métiers, dans sa diversité géographique et juridique, pouvait apparaître
comme un obstacle au développement de la production
La monarchie intervint pour tenter d'unifier la
condition des entreprises et les aligner sur le statut des métiers-jurés.
Plusieurs ordonnances furent prises en ce
sens, et sans grand succès.
Ce sont en vérité les progrès des échanges qui marquent le mieux le
passage à une éconormie plus largement ouverte et qui permettent
l'accumulation des capitaux. La France n'avait pas, en ce domaine, les
traditions des villes italiennes ou flamandes. Les techniques
commerciales, pendant tout le siècle, y demeurent archaïques: faible
emploi de la comptabilité en partie double, de la lettre de change, faible
dimension des firmes.
Mais l'horizon commercial s'est élargi, sous
l'impulsion d'hommes d'affaires et de marins hardis. Lés progrès les plus
notables ont lieu en Méditerranée, en direction du Levant et des côtes
barbaresques. Le port de Marseille, ouvert par le rattachement de 1a
Provence au royaume, sur l'arrière-pays, lié au grand centre lyonnais,
vivifié par les expéditions italiennes, s'y taille la meilleure part.
La
diplomatie, tournée vers l'alliance avec l'Empire turc, facilite les
choses. Dès 1528, les marchands français bénéficient de privilèges
substantiels à Alexandrie. Si les « capitulations » de 1535 sont un mythe,
il n'en reste pas moins que les navires phocéens fréquentent les Échelles
du Levant. De même les relations se multiplient avec la côte de Bône :
vers 1550, on y recueille le corail, on y achète le blé. Le Bastion de
France y sert d'entrepôt.
Mais l'Atlantique et les terres nouvelles attirent également les capitaux
et les entreprises. Malgré la vigilance des Ibériques, les marins français
prennent part aux voyages de découvertes.
Mais en Europe et en France, comment vont le
progrès pour les ouvriers et les paysans
La prospérité économique et l'équilibre social
du royaume de France se ressentent, après 1540 (date large) du malaise
général engendré par une conjoncture moins favorable.
On a déjà indiqué les
éléments de cet essoufflement de la croissance à l'échelle de l'Europe
occidentale: relative surcharge démographique au terme d'un siècle
d'augmentation de la population, impossibilité des techniques agricoles à
multiplier les subsistances face aux besoins accrus, premiers effets d'un
déséquilibre monétaire qui devait s'aggraver ensuite, poids des guerres
incessantes sur les budgets d'États.
Les victimes sont les plus pauvres.
A la campagne, le nombre des paysans
condamnés par l'exiguïté de leur exploitation à s'endetter et à aliéner une
part de leur maigre patrimoine grandit. Mais c'est parmi les gens de métier
que les tensions sociales sont les plus vives.
A l'heure de la stagnation,
les salaires réels sont orientés à la baisse, ou à se maintenir tandis que
les prix montent, le chômage a tendance à s'étendre. Et beaucoup de
compagnons viennent grossir la masse permanente des mendiants et des
errants. Les grandes villes sont ainsi le théâtre de conflits sociaux très
modernes d'aspect. Dès 1529, à Lyon, la Grande Rebeine voyait des hordes de
pauvres gens piller les maisons des bourgeois. Et dans la même ville, on
comptait, en 1534, plus de 7 000 personnes ayant besoin d'assistance - 1/7
de la population. En 1539, les compagnons imprimeurs y déclenchent la
première grande grève de l'histoire sociale du pays. Né à Lyon, le conflit
s'étend aux ateliers parisiens.
Le Grand Tric (sans doute de l'allemand Streik, arrêt de travail) suscite l'intervention royale : interdiction aux
ouvriers de s'assembler, de s'entendre .....de demander des augmentations de
salaire , de s'unir en Confréries,... Le pouvoir se range du côté des
patrons...
Et en Angleterre;; tout va bien ! mais pour
combien de temps
Les premières zones
productrices furent surtout les districts ruraux du Sud-Ouest, les villages
ruraux qui installèrent leurs moulins à foulons sur l'Avon et la
Severn; de même les régions de Salisbury, Winchester et Norfolk
développèrent leurs industries domestiques organisées parfois, comme dans le
Wiltshire, par les capitalistes des villes. Les Marchands Aventuriers
organisés dès le XV e siècle, bénéficièrent, en 1504, de la protection
d'Henri VII : ce sont eux qui vont assurer désormais la diffusion à
l'extérieur des beaux draps longs d'Angleterre. Le remplacement à la vente
de la laine par le drap suppose le gain d'une importante valeur ajoutée par
le travail industriel. Le gouvernement royal favorisa également les
armateurs anglais en promulguant les deux premiers actes de Navigation (1485
et 1489)
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