LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES
Au début du siècle, la soierie est le
quasi-monopole de l'Italie (Lucques, Florence, Milan, Côme). Mais on la
trouve déjà à Tolède et à Séville, et à Tours depuis 1470, par la volonté
royale.
Au XVIe siècle, elle continue à gagner du terrain.
Elle s'installe à Lyon, toujours sous la protection du souverain, après
1536, avec un succès rapide. Elle occupe, dit-on, 30 000 ouvriers à Séville
en 1564. Fabrication de luxe, elle est particulièrement sensible aux
variations de la conjoncture.
Toutes les branches du textile paraissent avoir
connu une forte expansion au cours du siècle, mais nous avons peu de
chiffres permettant de mesurer exactement cette croissance. Comme tant
d'autres secteurs de l'économie, celui-ci semble avoir atteint son apogée
vers 1560. La stagnation voire le recul, caractérisent les dernières
décennies du siècle.
d) C'est encore du point mie vue de la consommation
immédiate qu'il faut considérer les industries extractives et
métallurgiques. Les mines sont loin de jouer un rôle négligeable dans
l'économie du siècle et le développement rapide de cette branche d'activité
est une des mutations les plus caractéristiques de l'époque.
Ce qu'on demande avant tout au sous-sol, ce sont les
métaux précieux. On a déjà vu que la faim monétaire avait provoqué, dans
toute l'Europe, une quête des gîtes métallifères à la fin du XVe siècle. Le
Tyrol, la Carinthie, la Haute-Silésie fournissent l'argent et les fortunes
des Fugger et des Thurzo s'édifient sur les profits de l'exploitation des
mines des Habsbourg.
Mais l'or européen reste rare. Tout change, on le sait,
avec la mise en valeur des mines américaines. La nécessité rendant
ingénieux, l'époque voit le perfectionnement des méthodes d'extraction et de
raffinage (amalgame au mercure pour l'obtention de l'argent pur).
En dehors des métaux précieux, on exploite les
gisements de fer, très abondants, quoique de qualités diverses, en France,
en Angleterre, en Suède; ceux de cuivre, en Europe centrale, de plomb,
souvent mêlé à l'argent, d'étain (Cornouailles), de zinc, de mercure
(Espagne). Bien d'autres produits sont livrés par le sous-sol, comme le
soufre (Bohème, pays de Liège), le sel gemme (Franche-Comté), l'alun,
nécessaire à la fixation des couleurs.
On l'extrait à Tolfa,
dans les États pontificaux. La découverte du gisement, en 1462, a permis de
se passer des producteurs de l'Orient et le pape a fait une obligation de
conscience de ne plus l'acheter aux Turcs.
Ce
quasi-monopole rapporte gros à la Curie et aux concessionnaires du trafic.
Le charbon ne joue qu'un rôle très secondaire. Il est cependant utilisé pour
le chauffage domestique et pour certaines industries (sauneries, extraction
du soufre, salpêtrières) dans le Pays de Liège et en Angleterre, seules
régions d'extraction
. La production liégeoise croît rapidement jusqu'aux
troubles : 48 000 t vers 1545, 90 000 t vers 1560. Dans les Iles
Britanniques, les puits sont nombreux dans la vallée de la Tyne, dans les
Midlands. La production est évaluée à 170 000 t entre 1551 et 1560, l'Écosse
en extrayant pour sa part 40 000 t.
Les mines ont été le secteur le plus dynamique dans
le domaine des innovations techniques (aération, levage, pompes) et dans
celui des structures économiques nouvelles. On a pu parler d'un banc d'essai
du capitalisme. Exigeant des capitaux importants pour assurer l'équipement
et la gestion, elles étaient généralement la possession de sociétés
regroupant propriétaires fonciers, marchands, industriels, tous intéressés à
l'exploitation, apportant une part du capital et recevant une part des
bénéfices.
LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES
Selon
Guichardin, les seules importations en 1560 montaient à 31 millions de
florins carolus-plus de deux fois le revenu du roi de France. La décadence
du centre anversois laisse libre cours aux ambitions de Hambourg, qui tente
vers 1590 de concentrer à son profit le commerce des épices, mais surtout à
l'essor rapide des ports hollandais, parmi lesquels Amsterdam. Les crises
frumentaires de la Méditerranée lui permettent de s'y faire importateur des
blés baltiques, l'alliance avec Henri IV lui assure le maintien de la
redistribution des produits français, et dès 1595, les marins hollandais
pénètrent dans l'océan Indien.
La grande
nouveauté du siècle est l'essor considérable du trafic de la Baltique. Les
produits échangés restent sensiblement les mêmes : l'Europe occidentale
envoie des vins, du sel, des produits textiles, elle reçoit des matières
premières (lin, fer, goudrons et bois) et des grains. Ces derniers prennent
de plus en plus d'importance. Le développement considérable de la production
des grands domaines polonais, suscité par la demande occidentale et permis
par l'asservissement de la paysannerie gonfle le trafic de Danzig. Le
commerce de la Baltique est théoriquement monopolisé par la Hanse, qui
groupe une cinquantaine de villes sous l'autorité de Lübeck. Mais les
conflits des pays riverains au XVIe siècle, l'indépendance de la Suède qui
ouvre le verrou danois, permettent aux Anglais et aux Hollandais de pénétrer
en Baltique et d'échapper ainsi aux exigences des Hanséates.
Malgré la
prédominance des échanges maritimes, il faut faire leur place aux courants
commerciaux à l'intérieur du continent européen. Mais ceux-ci n'acquièrent
d'importance internationale que lorsqu'ils ont accès aux ports côtiers. Les
produits de l'Europe centrale se dirigent ainsi vers les Pays-Bas, vers
Venise, vers les villes hanséatiques.
b) Le
commerce avec les autres continents l'emporte historiquement. Pierre Chaunu
fait remarquer que les exportations de métaux précieux et d'épices vers
l'Europe représentent cinq fois la valeur des blés échangés entre les pays
d'Europe. C'est par le commerce d'outre-mer que l'accumulation du capital
entre les mains des hommes d'affaires s'est réalisée. On étudiera plus loin
l'organisation des deux empires ibériques. Mais la redistribution à travers
l'Europe des produits ainsi monopolisés (épices, produits des Indes ou
d'Extrême-Orient, bois de Brésil et indigo, sucre) échappe très vite aux
pays importateurs. Les grandes firmes allemandes bénéficiant de la faveur de
Charles Quint s'emparent des marchés fructueux ainsi ouverts. En 1515, Jacob
Fugger, associé aux Welser et aux Hochstetter, obtient de commercialiser 15
000 quintaux de poivre par an tout en vendant au roi de Portugal le cuivre
nécessaire à la flotte des Indes : double occasion de profits. Encore à la
fin du siècle, les firmes d'Augsbourg tiendront le marché des épices. Les
profits réalisés sur les produits coloniaux incitent les pays maritimes à
tenter d'accéder directement aux Indes occidentales et orientales. Si les
Portugais arrivent à maintenir, grâce à la distance, aux flottes
entretenues, aux points d'appui fortifiés, leur maîtrise de la route des
Indes jusqu'à leur fusion avec l'Espagne (1580), les Espagnols sont
impuissants à assurer leur monopole des routes atlantiques. Les Anglais
tentent de joindre les Indes par l'ouest (Cabot au Labrador) et par l'est
(Chancellor en mer Blanche). Ayant échoué, ils se contentent de commercer
avec la Russie et de piller les flottes des galions au retour d'Amérique,
lorsqu'elles portent l'or
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