a)Porter un
équipage, quelques hommes de guerre et les vivres pour une longue période de
pleine mer. Ainsi conçue, la caravelle atteint, par vent arrière, des
vitesses très remarquables. Pour certaines expéditions lointaines, on la
fera escorter par des navires ravitailleurs, demeurant en arrière.
b) La
navigation pose d'autres problèmes. Depuis longtemps le maniement des voiles
et l'usage du gouvernail d'étambot permettent aux navigateurs de diriger le
navire. Encore faut-il savoir dans quelle direction on doit aller et pouvoir
vérifier que le cap est tenu, surtout lorsqu'on s'éloigne des côtes.
La
boussole fixe, dérivée de la simple aiguille
aimantée, apparaît dès le XIIIe siècle. Avec sa rose des vents, elle permet
de s'orienter convenablement. Mais on doit tenir compte de la déclinaison,
variable suivant les lieux. Des tables, peu à peu perfectionnées par le
travail des astronomes et les observations des marins, facilitent les
corrections. Le cap à suivre, pour les circuits traditionnels, est donné par
les portulans, cartes déjà fort précises, où un réseau de lignes unissant
les ports indique les rumbs à observer pour aller d'un point à un autre. Aux
documents mis au point par les cartographes Gênois et cCatalans, les savants
groupés autour du prince Henri ajouteront rapidement les résultats des
découvertes portugaises.
La
détermination de la position du navire sur l'Océan n'est pas moins
importante. On naviguait à l'estime, en fonction de la vitesse, calculée
empiriquement et des caps suivis. Mais il fallait reporter ces éléments sur
une carte, compte tenu de la rotondité de la terre. Et la commode projection
de Mercator ne sera inventée que vers 1570. D'où les erreurs parfois
considérables, et parfois fatales aux équipages. La navigation astronomique
est encore dans l'enfance, faute d'une appréciation sûre de la longitude et
de la latitude. Pour la première, il fallut attendre la fin du XVllle
siècle. La seconde pouvait être convenablement donnée par l'usage de l'astrolabe.
Dans le cas d'une navigation presque méridienne, comme celle des Portugais
le long des côtes africaines, les résultats turent remarquables. Par contre,
Colomb et ses successeurs durent se fier davantage à leur intuition et à
leurs expériences.
Les
nouvelles routes océaniques
Génois et
les Catalans furent les premiers, autour de 1300, à se lancer sur l'Océan
au-delà des Colonnes d'Hercule et des routes côtières. Peu en revinrent.
Assez pour faire entrer dans le monde européen les Canaries (1312, Malocello),
les Açores, redécouvertes en1420, et Madère (1341). Suivit l'installation
des Castillans et des Portugais dans ces îles, livrées à la colonisation
(banc d'essai qui s'avéra précieux au XVIe siècle) et au de relais sur la
route de Terre-Neuve et des pêcheries.
La
découverte des côtes africaines est essentiellement l'oeuvre jalouse des
Portugais. Elle commence en 1415 par la prise de Ceuta, où s'illustre le
prince Henri le Navigateur, qui donne l'impulsion à la poursuite de
l'aventure.
Chaque
année, les vaisseaux reculent les limites de l'exploration côtière. En 1437,
l'échec devant Tanger introduit un changement de perspectives.
De 1437 à
1444, le dessein africain se précise : il s'agit d'atteindre le pays de
l'or. 0-atteint le Rio de Oro (1441), l'îlot d'Arguin, qui devient vite
escale et comptoir, le ca, Vert et ses îles. Pendant que la colonisation des
Açores prend forme, que l'utilisatiede la caravelle permet aux navigateurs
de quitter la côte au retour, une bulle du pape Nicolas V (1455) réserve au
Portugal les richesses espérées. Et déjà la traite des Noirs :: joint au
trafic de l'or.
De 1455 à
1475, les choses vont moins vite : l'infléchissement vers l'est de la côte
africaine, après la reconnaissance de la Sierra Leone (1460) pose de
nouveaux problème:. la mort du prince Henri ralentit les entreprises. Mais
les Portugais atteignent la Côte de l'Or en 1470, le delta du Niger en 1471,
le Gabon au-delà de l'Équateur, en 1475. Les relevés de la côte se précisent
et l'on prend la mesure des dimensions du continent. Par ailleurs, l'aspect
économique se développe : trafic de la malaguette (poivre), de l'or du
Soudan, de l'ivoire, des Noirs. Le comptoir de Sao Jorge de la Mina, fondé
en 1482 est le centre de ce commerce.
Après 1480,
le dessein indien l'emporte : le but est désormais de trouver la route de
l'est. Diego Cao atteint et dépasse l'embouchure du Congo, longe l'Angola.
En 1486, on est au tropique méridional. Enfin, à la tête de trois
caravelles, Barthélémy Diaz part à l'été 1487. Il innove en s'écartant
largement de la côte au-delà de la Guinée (signe des grands progrès de l'art
de naviguer et de la fiabilité du matériel), passe au large du Cap et touche
en février 1488 les côtes du Natal, avec la certitude d'avoir contourné le
continent.
b) La
jonction avec les Indes est soigneusement préparée. Elle bénéficie des
informations de Pedro de Covilha qui a gagné l'Asie par la voie terrestre et
circulé de l'Éthiopie à Calicot (1487-1490). Elle est retardée par les
résultats de l'expédition de Christophe Colomb. Elle est l'oeuvre de Vasco
de Gama, parti en juillet 1497 avec quatre bonnes nefs et 150 hommes. Gama
prend au large de la côte pour bénéficier des courants et des vents de
l'Atlantique sud (Cabrai touchera les côtes du Brésil en 1500 en faisant la
même manoeuvre), touche Sainte-Hélène, passe Le Cap, longe la côte orientale
jusqu'à Zanzibar et prend, grâce aux renseignements recueillis, la route
traditionnelle du commerce musulman. Il est à Calicot le 20 mai 1498. Malgré
l'hostilité manifeste des Arabes, des liens sont noués avec les princes
indiens. En août 1499, deux navires et 80 hommes seulement rentrent au port
de Lisbonne, avec une cargaison d'épices. Il faudra dix ans aux Portugais
pour édifier leur empire des Indes et fonder leur monopole séculaire.
c) La
découverte du Nouveau-Monde est le résultat d'une erreur féconde de
Christophe Colomb. L'homme, assez mal connu, est à l'image de son époque.
Génois, fils d'artisan aisé, formé dans ce grand centre économique, il allie
l'expérience du navigateur et la culture confuse de l'autodidacte.
La rencontre des
autres mondes
Ainsi se
forme, à partir des travaux d'un cosmographe florentin, Toscanelli, sa
conviction d'une terre beaucoup plus petite qu'en réalité, d'un continent
euro-asiatique beaucoup plus étendu en longitude et, par conséquence, d'une
route occidentale beaucoup plus courte que le lent contournement du
continent africain. Encore fallait-il le courage de se lancer sur un Océan
inconnu.
Le souverain
portugais préfère les certitudes des entreprises en cours, les autres
princes refusent l'aventure. Reste la reine Isabelle de Castille, qu'il
tente de convaincre en 1486. Six ans de négociations, d'hésitations, de
controverses savantes, de rivalités d'intérêts. Colomb l'emporte au
lendemain de la prise de Grenade, par son obstination, sa conviction, son
appel messianique. Les accords d'avril 1492 lui donnent des privilèges
exorbitants sur les futures terres à découvrir : amiral, vice-roi,
bénéficiaire de 10 %. des richesses à venir.
Colomb
s'installe à Palos et prépare l'expédition avec l'armateur Martin Alonso
Pinzon et Juan Nino. Deux caravelles de 70 tonneaux et une nef d'une
centaine de tonneaux, la Santa Maria, montées par une centaine d'hommes,
partent le 3 août 1492. Après l'escale des Açores, le cap est mis à l'ouest
le 9 septembre. Après le 25 septembre, l'inquiétude grandit : on devrait
être aux abords de l'Asie. Le 12 octobre, on touche terre à San Salvador, en
croyant atteindre l'archipel japonais. Après deux mois de navigation dans
les Petites Antilles (on touche Hispanola-Saint-Domingue et Cuba) sans
découvrir les richesses décrites par Marco Polo, on revient vers l'Europe.
Accueil triomphal, malgré la médiocrité des résultats matériels.
Avant sa
mort, en semi-disgrâce (1506), Christophe Colomb accomplit trois autres
voyages, mêlant les premiers pas de l'exploitation et de la colonisation à
l'exploration proprement dite. En 1493-1494, la géographie des Antilles est
précisée, en 1498, l'amiral touche les côtes du Vénézuela, avant de se fixer
à Saint-Domingue (d'où le gouverneur Bobadilla l'expédiera, prisonnier, en
1500). Enfin, en 1502-1504, à la recherche de la route des Indes, il longe
l'isthme américain sans deviner la découverte d'un monde nouveau.
A cette
date, la connaissance de la Méditerranée américaine s'est enrichie des
découvertes faites par les lieutenants et les rivaux de Colomb. En 1507, un
géographe introduit dans sa Cosmographice introductio (publiée à Saint-Dié)
la traduction d'une lettre d'Amerigo Vespucci pariant pour la première fois
du Monde Nouveau. Ainsi le continent américain prend-il place dans
l'histoire.
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