LÜBECK, la
reine de la Hanse
En 1370, fortes d'une
série de victoires militaires, les villes de
l'Allemagne du Nord réunies en une confédération
contraignent les danois à signer la paix de
Stralsund, qui confirme l'existence de la Hanse et
reconnaît ses privilèges. L'influence politique de
cette communauté de marchands devient considérable
dans le nord de l'Europe tandis qu'elle contrôle
l'ensemble du trafic économique de la Baltique. La
ville de Lübeck, qui prend alors la tête de la Hansa
Theutonicorum, connaît une prospérité inégalée.
Située dans le
Schleswig-Holstein, au confluent de la Schwartau et
de la Trave, Lübeck est d'abord un simple comptoir
commercial, 1143, avant de devenir une véritable
ville. En 1181, l'empereur germanique Frédéric
Barberousse lui accorde des privilèges, renforcés en
1226 par le titre de ville impériale libre que lui
concède l'empereur Frédéric II. A cette époque,
Lübeck participe activement à l'expansion
commerciale allemande en Europe septentrionale, vers
les Flandres et l'Angleterre à l'ouest, la
Scandinavie au nord et les principautés russes à
l'est. Les marchands établissent alors des comptoirs
dans les régions les plus reculées de la mer
Baltique. Les dangers du commerce dans ces régions
peuplés d'habitants farouches et la menace des
pirates poussent les villes commerçantes allemandes
à unir leurs efforts : c'est ainsi qu'en 1241 Lübeck
et Hambourg concluent une alliance qui marque le
début véritable de la Hanse.
Au cours du 13ème
siècle, la Ligue hanséatique s'ouvre à de nouvelles
villes portuaires, Brême, Dantzig, Königsberg, Riga,
Stettin, Viaby. Des centres d'échanges continentaux
comme Cracovie, Cologne, Erfurt et Münster
rejoignent l'association qui réunira plus de 70
villes à son apogée. Quatre grands établissements
sont implantés à l'étranger : Londres, Bruges,
Bergen et Novgorod. A la fin du siècle, les
marchands de la Hanse monopolisent le commerce en
mer Baltique. De par ses privilèges et son dynamisme
économique, Lübeck dispose d'une hégémonie de fait
sur la Ligue. Lors des "Grands Jours", elle
accueille la diète qui réunit, théoriquement tous
les 3 ans, les représentants de toutes les cités
participantes. Au-delà de son rôle économique,
Lübeck exerce une grande influence sur ses
partenaires : près de 100 villes adoptent son droit
urbain et son architecture de briques fait figure de
modèle.
Autour du Markt, coeur
de la ville, ateliers et boutiques s'entassent
contre la halle aux draps et l'hôtel de ville,
expression de la puissance et de l'autonomie de la
communauté. La profusion d'oeuvres d'art décorant
les églises témoigne de la richesse autant que de la
foi des négociants et des marins qui peuplent la
cité. Celle-ci dispose également de la première
institution sociale d'Allemagne, l'hospice du
Saint-Esprit, lieu de refuge pour les pauvres et les
malades. C'est alors la ville la plus peuplée du
nord de l'Allemagne.
Sa réussite, Lübeck la
doit avant tout à la position stratégique qu'elle
occupe. Dans son port se croisent en effet les
marchandises venues des profondeurs sauvages de la
Baltique et des cités industrieuses de l'Occident.
Ainsi, l'essentiel du trafic repose sur l'échange de
fourrures et de cire venues de Livonie et de Russie
contre des draps flamands, hollandais, anglais,
écossais, du sel marin récolté sur les côtes
atlantiques de la Bretagne au Portugal, des vins de
Poitou et du Bordelais. A ce flux principal viennent
s'ajouter le cuivre et le fer de Suède, le bois de
Prusse, le blé de Pologne, les minerais de Hongrie,
la morue séchée de Norvège et le hareng de la
Baltique. En outre, la pêche procure des profits
considérables : en 1400, la ville envoie à elle
seule 550 navires vers les pêcheries de Scanie, où
s'effectue le saurissage et la salaison des harengs.
Lübeck est alors une véritable puissance maritime.
Dans ses arsenaux, elle construit les cogues, de
gros navires ventrus, 30 mètres de long, 7 mètres de
large et 3 mètres de tirant d'eau, équipés d'un
gouvernail d'étambot, qui lui assurent la maîtrise
des mers. Au cours du 15ème siècle, les hourques
puis les caravelles remplacent les cogues. A la fin
du siècle, la Hanse possède plus de 1.000 navires.
les villes de la Ligue contrôlent alors tout le
trafic s'effectuant sur un axe Londres-Novgorod.
Conçue à l'origine
pour défendre les intérêts des marchands, la Ligue
n'a jamais formé une véritable entité politique ;
les villes qui en font partie conservent leur
autonomie et il n'existe aucune institution
permanente telle qu'une marine ou un trésor public.
Son seul organisme de gouvernement est la diète, qui
traite des questions d'intérêt commun, négociations,
arbitrage, ratification des traités, mesures
financières et militaires. Des diètes régionales
préparent et mettent en oeuvre leurs décisions. Les
établissements étrangers jouissent, pour leur part,
d'une sorte d'extraterritorialité : dotés de chefs
et d'un tribunal, ils se gouvernent selon leurs lois
propres, sous le contrôle de la diète de Lübeck. Au
cours du 14ème siècle, la solidarité économique qui
lie les membres de la Hanse prend progressivement un
aspect politique : son développement aboutit à un
monopole commercial abusif, que refusent les pays en
expansion.
Après avoir vaincu
militairement le Danemark en 1370, la Hanse
contraint les flamands, les anglais et les russes à
respecter ses privilèges par un blocus simultané de
leurs côtes en 1388. Mais à partir du 15ème siècle,
un lent déclin s'engage avec le retrait des villes
hollandaises, la fermeture du comptoir de Novgorod
puis, au 16ème siècle, l'expulsion des marchands
allemands de Londres par la reine Elisabeth Ière. La
guerre de Trente Ans porte le coup de grâce à la
Ligue hanséatique, dont la dernière diète se réunit
en 1669.