Le début du XVIe siècle fut marqué pour le
Portugal par la poursuite des expéditions lancées dès le début du XVe siècle
le long de la côte africaine.
Ils doublent
le cap Bojador en 1434, atteignent le cap Vert dix ans plus tard et, à
partir de 1470, s'engagent dans le golfe de Guinée, où le comptoir de São
Jorge-el-Mina est fondé en 1482. Diogo Cão dépasse le Congo en 1486 et, deux
ans plus tard, Bartolomeu Dias double enfin l'extrémité sud de l'Afrique. Au
même moment, un envoyé portugais, Pêro da Covilhão, parcourt le Moyen-Orient
jusqu'à l'Inde et recueille d'utiles renseignements sur l'utilisation de la
mousson par les Arabes dans l'océan Indien (1487-1491).
http://jpduflot.club.fr/EU/EU_decouverte.htm#Le%20rôle%20des%20portugais
L'expédition de Fernand de Magellan (1519-1522) illustre la rivalité
hispano-portugaise dans la course aux épices. Une bulle pontificale,
confirmée par le traité de Tordesillas (1494), avait délimité les deux
champs d'action de part et d'autre d'un méridien situé à 170 lieues à
l'ouest des Açores. Mais, vu l'incapacité où l'on était de calculer
exactement les longitudes, ce partage laissait aux antipodes de vastes
marges d'imprécision concernant notamment les Moluques, îles à épices par
excellence. Magellan était un Portugais qui avait servi aux Indes ; ayant
obtenu cinq navires de Charles Quint, il reconnaît toute la côte au sud de
La Plata, découvre enfin le détroit qui désormais portera son nom (1520),
traverse l'océan Pacifique et parvient aux Philippines, où il est tué dans
un combat contre les indigènes (1521). Un de ses lieutenants, Juan Sebastián
Elcano, réussit à regagner l'Espagne avec un seul bâtiment en 1522,
réalisant ainsi le premier voyage autour du monde et faisant définitivement
la preuve de sa rotondité.
Découverte et colonisation
Cet ensemble de découvertes a abouti à la construction des deux
premiers empires coloniaux de l'histoire moderne, au reste fort différents.
L'Empire portugais construit par Francisco de Almeida (1450-1510) et
Alfonso de Albuquerque (1453-1515) est longtemps conçu comme une pure
domination maritime et commerciale, appuyée simplement sur une chaîne
d'escales et de comptoirs le long des côtes d'Afrique (notamment en Guinée
et dans l'Angola) et de l'océan Indien (Mozambique, Zanzibar, Malabar,
Ceylan, Malacca, etc.). Sur la route aller, les Portugais ont assez vite
découvert les îles de l'Atlantique Sud (Ascension, Sainte-Hélène, 1502), et,
sur celle du retour, Madagascar (1506) et les Mascareignes. De l'Indonésie,
ils atteignent la Chine (1514), qui leur accorde finalement le comptoir de
Macao (1567), et le Japon (1541), où saint François Xavier exerce quelques
années son apostolat.
La route de l'Inde et l'empire des épices. Une fois
le cap de Bonne-Espérance reconnu et doublé, le voyage maritime depuis
l'Europe de l'Ouest jusqu'à l'Inde était assuré. Car la navigation sur
l'océan Indien n'était pas à inventer. Or en 1488,
Bartolomeu Diaz atteint le cap de Bonne-Espérance. C'est dix ans plus
tard seulement que l'armada de Vasco de Gama arrive à Calicut. Tandis que
Cabrai découvre le Brésil en 1500, peut-être en cherchant à améliorer la
route vers l'Inde, les Portugais mènent rapidement à bien la découverte de
l'océan Indien. Il ne s'écoule qu'une décennie entre l'arrivée à Calicut et
l'arrivée à Malacca. Alors que la reconnaissance du continent américain et
de ses limites va demander un demi-siècle, et pour cause, les Portugais,
au-delà du cap de Bonne Espérance, bénéficient de l'apport des cultures
antérieures: « Les pilotes arabes, goujrates, malais, guidèrent au début les
navires portugais... Au-delà du Cap, les Portugais reçurent comme en cadeau,
présenté sur un plateau, la connaissance du régime des moussons qui commande
la navigation, les routiers qui enregistraient des siècles d'expérience, le
tracé des principales routes longuement pratiquées. Ils en arriveront
jusqu'à utiliser les types orientaux de bâtiments.
Mais, tout en les ayant essayés méthodiquement, ils
n'adopteront pas les procédés orientaux de nautique astronomique... ce sont
leurs propres procédés qu'ils y emploient avec pour outils essentiels l'astrolabe
et la carte nautique... »
Dès lors, la rapide construction de l'empire
portugais s'explique mieux : le deuxième voyage de Vasco de Gama a déjà pour
but la conquête et l'organisation des territoires conquis. Vasco de Gama
porte, en 1502, le titre d'Amiral des Indes, il dispose d'une flotte
puissante bien pourvue d'artillerie : pour établir des relais, il fonde des
comptoirs à Sofola et Mozambique, sur la côte orientale de l'Afrique; il
venge cruellement les marchands portugais massacrés en son absence à Calicut
et fonde le premier comptoir portugais de l'Inde à Cochin. Albuquerque
continue son ouvre, s'emparant de Socotora, puis d'Ormuz (en 1507, une
première fois et en 1514 durablement), fondant la capitale de l'Empire à Goa
en 1510, prenant Malacca, la première place de commerce de l'océan Indien en
1511, atteignant les Moluques, l'une des grandes zones de la production des
épices. Au cours des années suivantes les Portugais fondèrent plusieurs
villes dont les plus durables furent Diu,.Goa en 1510, et à Macao en 1557
Dans les toutes premières années, le commerce de
l'Inde demeura libre. Ceux qui disposaient des capitaux nécessaires
pouvaient fréter un ou plusieurs navires, expéditions vers les Indes et en
ramener les marchandises de leur choix sous la seule condition , payer un
droit de douane d'environ 5 % et de passer par la Casa da Mina (créée par le
commerce africain), à la fois douane et magasin de transit. La couronne de
Portugal elle-même avait, en 1499, pris une participation de 20 000 cruzados
dans une société: fondée pour ce commerce et pour cinq ans.
Le Portugal était trop peu peuplé pour envisager une
conquête territoriale et une colonisation de grande ampleur. Aussi l'empire
portugais fut-il essentiellement un empire commercial. Le caractère
discontinu de l'occupation et des établissements portugais peuvent même
autoriser l'expression d'empire insulaire, chaque comptoir, même
continental, vivant un peu comme une île reliée à l'extérieur par les
flottes. Ce qui explique que la sécurité et l'existence même de cet empire
dépendaient de la prépondérance maritime portugaise sur l'Atlantique Sud et
l'océan Indien. Mais il en allait de même de l'entreprise commerciale : en
s'appropriant la route des Indes, les Portugais avaient conquis,
partiellement au moins, le service des importations en Europe des soieries,
des pierres précieuses et surtout des épices asiatiques : gingembre de
Malabar, cannelle de Ceylan, clou de girofle des Moluques, noix muscade des
îles de Banda et plus encore le poivre de Malabar et de Sumatra, seule épice
à donner lieu à un commerce de masse, dont le trafic dépassait celui de
toutes les autres épices réunies; des drogues également, dont on faisait
grand usage dans la médecine et la parfumerie (betel, rhubarbe, musc, opium
même). En retour les Portugais apportaient les produits manufacturés
d'Europe dont les armes, l'or et l'argent. Mais, en plus, ils avaient
remplacé les Arabes dans le commerce d'Inde en Inde, c'est-à-dire que
d'Ormuz, de Calicut ou de Goa à Nfalacca et Macao et retour, ils servaient
d'intermédiaires entre Chinois, Malais et Hindous. Service fructueux, qui ne
pouvait être conservé que par la puissance militaire
L'apogée portugais.
Ces profits expliquent pour une large part
l'apogée portugais qui correspond aux règnes de Manuel le Fortuné
(1495-1521) et de Jean III (1521-1557). C'est le beau temps de l'État
portugais moderne « impérial, mercantiliste et entrepreneur ».
Le trafic avec l'Inde stimule nombre d'industries
portugaises : chantiers navals évidemment, dont les plus importants sont à
Lisbonne, Viana, Lagos; biscuits; pêche au thon dont les madragues s'arment
en Algarve; il stimule aussi les plantations de vignobles et d'oliveraies.
Malgré le prélèvement des capitalistes étrangers, des fonds demeurèrent sans
doute disponibles pour développer les industries textiles des régions de
Covilha et Guiramaes, les nombreuses poteries, marbreries, industries de
cuirs et fabriques de conserves alimentaires (figues sèches, pâtes
d'amandes, thon). Mais la main-d'oeuvre a probablement gravement manqué à ce
développement.
Il reste que l'apogée portugais se signala par
d'autres traits. L'élan religieux avait joué un rôle relativement faible
dans les débuts de la découverte et de la conquête. Passé le premier tiers
du siècle, les jésuites portugais prennent une part importante à
l'évangélisation, notamment aux Indes et en Chine. Les nouveaux mondes
tiennent une grande place dans la littérature de cette époque, la plus
brillante de l'histoire du pays, par exemple dans les Lusiades de Camoes qui
séjourna longtemps à Goa et à Macao, dans les chroniques de Joâo de Barros,
Damiao da Gois. Mais lorsque les rivaux du Portugal eurent -attrapé l'avance
acquise en matière de navigation et d'armement, la trop faible population du
Portugal ne lui permit pas de maintenir la position extraordinaire qu'il
avait conquise.
C'est pourquoi l'empire portugais atteignit son
zénith pendant la première moitié du XVIe siècle et sans doute de 1525 à
1550. Après cette date, son monopole du grand commerce fut contesté et la
situation des Portugais s'affaiblit lentement.
Organisation des voyages et exploitation économique.
L'énormité des distances -du a une organisation
stricte des voyages, presque toujours en convois : Presque toujours en
mars et avril Les départs de 1500 à 1635, eurent lieu pendant ces deux mois.
La durée du était très rarement inférieure à quatre mois mois dans les cas
d'hivernage (avarie :et climatique), elle pouvait être beaucoup plus grande,
jusqu'à un an et demi! e. Dans 88 '/. des cas la durée _ était de
quatre mois et demi et sept mois. Le voyage fut relativement sûr, du moins
en 1586 (seulement trois cargaisons pillées pendant cette période) et
pendant six ans le taux des pertes s'établit à 11 % pour l'aller et à 12 %
pour le retour
Mais dès 1504 les prix s'effondrent en raison de
l'excès de l'offre. La liberté de vente disparut la première, la Casa da
Mina demeura le seul organisme de vente à un prix unique. Et, en 1506, fut
établi un régime de monopole . Au profit de la couronne (géré par la Casa da
India) qui armait les navires, achetait et exportait les marchandises et
importait et vendait les épices. Ce régime dura jusque1570 mais, dans la
pratique, il comporta de nombreuses exceptions légales : c'est ainsi que
beaucoup d'honoraires ou de dettes du roi du Portugal furent payés sous
formes de licences d'importation. De même les fonctionnaires, officiers,
marins avaient le droit à importer pour leur compte certaines quantités
d'épices. En fait, le roi lui-même: s'associait avec de grands nobles
(Albuquerque plusieurs fois) et des marchands, dont de nombreux étrangers :
Italiens, Allemands, Espagnols même, pour l'armement de navires. Après 1570
cet armement et les voyages furent affermés.
Livre Bibliothèque Municipale Arcachon Titre le XVI e Siècle /
BARTHOLOME BERNASSAR Professeur d'histoire Economique à l'université
de Toulouse et JEAN JACQUART Maître de Conférence a l'Université
de Picardie / Armand Collin / Edition 1973 |