A partir du XIIe siècle, bien que
les signes d'une agressivité réciproque, canalisée par la piraterie et la
course, soient loin d'avoir disparu, l'Italie et le Maghreb développèrent
leurs relations dans le sens de leurs intérêts économiques.
Le Maghreb, d'une part,
connaissait une organisation politique plus ferme avec une succession de
dynasties prestigieuses : Almoravide, Almohade, Mérinide, bien implantée au
Maroc, Ziride et Hafside en Tunisie, d'autre part, l'Italie entamait un
processus de développement économique qui nécessitait un approvisionnement
en matières premières de toutes sortes et des marchés capables d'absorber
ses productions.
Si des pourparlers, dont nous
avons des indices autour de 1150, commencent dès 1100, c'est à partir de
1180 que commence la série des traités entre les États maghrébins et
italiens. Elle se poursuivit jusqu'au début du XVIe siècle qui voit un ordre
nouveau s'instaurer avec l'arrivée des Turcs.
Autorisés à séjourner dans les
principaux ports, dans des fondouks soumis à une réglementation rigoureuse,
les Italiens y résident parfois pendant plusieurs générations tout en
conservant leurs liens familiaux avec leurs métropoles. La principale
finalité de ces établissements est d'ordre commercial. Tunis, Bougie et
Ceuta, à un moindre degré Honein, Salé, Sfax, Djerba, deviennent des
carrefours du commerce international en même temps que des relais
d'import-export entre Venise, Gênes, Pise, Florence, Naples, Palerme et le
Maghreb.
Draps,
matières premières, or et épices
Sur les marchés du littoral
maghrébin s'échangent des produits qui viennent autant de Lombardie ou de
Toscane que de Flandre, de Bourgogne ou de
Champagne.
Draps divers, identifiés par leur couleur – vert, bleu, vermillon –
vingtaines de lin, futaines, canevas, toile, brunette, cendal, étamine,
bagadelle.
La pourpre et la soie
viennent surtout de Ligurie ou de Toscane, de Lucques en particulier, mais
ces étoffes de luxe peuvent aller du Maghreb en Italie.
Ce sont cependant les matières
premières, laines brutes, cuirs et peaux, alun de Tlemcen, de Bougie, de
Sijilmassa qui constituent, avec certains minerais comme le cuivre,
l'essentiel des exportations du Maghreb vers l'Italie pour approvisionner
une production artisanale et industrielle diversifiée en plein essor au XIVe
siècle.
Une bonne partie de cette
production vise le marché maghrébin sous forme d'outillages, de vêtements,
d'objets manufacturés en bois ou en métal, parfois précieux.
L'Italie sert aussi de relais
pour les épices qui viennent de l'Orient lointain, poivre, gingembre,
cannelle, encens, laque, indigo, fegia, girofle, noix muscade, musc.
L'or occupe une place
particulière dans ce trafic. Il vient du Niger transporté par les caravanes
qui remontent vers Sijilmassa, l'ancienne métropole du Tafilalet, au sud du
Maroc, pour chercher du sel.
Depuis le IXe siècle,
l'essentiel de cet or circule en poudre vers l'Andalus, mais une part en est
captée par les Génois qui le diffusent sous forme de monnaie en Italie. Dans
la région de Tabarka, en Tunisie, les Génois exploitent le corail, qu'ils
redistribuent en Italie et ailleurs.
Blé, vin et
victuailles
Les produits alimentaires ne
sont pas négligés. Dans le domaine des céréales, la vocation traditionnelle
de la Sicile comme pivot du commerce italien en Méditerranée et au Maghreb
se vérifie pleinement. Par l'intermédiaire de marchands pisans, Bougie et
Tunis importent régulièrement d'énormes quantités de blé sicilien depuis
Trapani, Sciacca, Messine, Palerme et Agrigente.
Mais les grandes villes
d'Italie du Nord, Pise, Florence, Venise et surtout Gênes, dont la
population connaît un essor considérable, ont aussi d'énormes besoins
alimentaires. Aux XIVe et XVe siècles, le Maghreb devient un gros
fournisseur de blé. Vers 1450, ce sont des cargaisons de plusieurs milliers
de tonnes qui se déversent sur les marchés génois et florentins depuis
Tunis, Bône, Stora, Bougie, Alger, Oran, Ténès.
En retour, en dépit de
l'interdiction qui porte sur la consommation de cette boisson en pays
musulman, l'exportation de vin vers le Maghreb est régulièrement attestée.
Elle fournit une consommation qui dépasse certainement les besoins des
communautés européennes présentes dans le pays.
Au XVe siècle, les
Vénitiens sont étroitement impliqués dans ces exportations qui concernent
souvent des vins grecs. Une société de marchands juifs exporte de Trapani,
sur des bateaux vénitiens, du vin casher à destination de Tunis où réside
une importante communauté juive.
De fait, c'est toute la gamme
de l'alimentation qui circule alternativement entre les deux régions. La
Sicile exporte du miel, du beurre, du fromage et du thon à Tunis, mais au
XVe siècle, les Italiens en importent de Sousse et de Sfax qui est avec
Djerba le grand port d'exportation d'huile. Châtaignes, figues et autres
fruits secs sont expédiés vers le Maghreb en échange de dattes et de sucre
de canne dont l'exploitation s'est propagée en Sicile.
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_italie_et_le_maghreb_au_moyen_Age.asp
Livre Bibliothèque Municipale Arcachon Titre le XVI e Siècle /
BARTHOLOME BERNASSAR Professeur d'histoire Economique à l'université
de Toulouse et JEAN JACQUART Maître de Conférence a l'Université
de Picardie / Armand Collin / Edition 1973
Livre HISTOIRE
DU MOYEN AGE ET DE LA RENAISSANCE EDITIONS NATHAN BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE DE
ARCACHON
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